« Gare à la revanche ! Quand tous les pauvres s’y mettront »

bulletin numéro 196 – du 8 avril 2021


8 avril 2021


« Gare à la revanche ! Quand tous les pauvres s’y mettront »

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 196 – du 8 avril 2021


« Gare à la revanche ! Quand tous les pauvres s’y mettront »

(lu sur une banderole marseillaise en hommage à la Commune)

Il y a eu 30 000 assassinats, femmes, hommes et enfants froidement abattus dans les rues de Paris. Leur crime ? Ils étaient pauvres et voulaient établir une société démocratique, pour le peuple dirigée par le peuple. Oui, la démocratie directe basée sur des assemblées, des mesures novatrices, révolutionnaires... La Commune de Paris pendant sa courte existence de 72 jours a fait la démonstration qu’une alternative existe face à la barbarie du capitalisme. La réponse du Vieux Monde n’a pas tardé. Une coalition des bourgeois français républicains réunie à Versailles alliée aux troupes prussiennes a réussi à l’écraser.
Ça s’est passé en 1871, il y a 150 ans. Il y a 200 ans, en 1821 Napoléon, empereur dictateur qui a rétabli l’esclavage est mort. Faut-il s’étonner qu’entre les deux anniversaires Macron a choisi de célébrer celui de la mort de l’autocrate ?
Mi février la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche pour qui l’« islamo-gauchisme » gangrènerait l’Université confirme son intention d’enquêter à ce sujet. Mi mars des parlementaires de droite demandent la dissolution de l’UNEF, le célèbre syndicat étudiant fondé en 1907 et longtemps lié au parti socialiste. En accusation, des groupes de parole non mixtes réservés aux victimes de discriminations sexistes ou racistes. Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, les assimilant à des pratiques « fascistes » annonce réfléchir à les rendre illégales. Ses services convoquent dans le même temps des professeurs enseignant en Seine Saint Denis pour soi-disant manquement aux principes de la laïcité (ils n’auraient pas signalé des élèves portant un gros bandeau sur la tête).
Le Figaro lui emboîte le pas en réclamant également celle du Comité Adama pour ses propos contre la violence de la police suite à la manifestation du 20 mars qui a vu converger les luttes des sans-papiers, celles contre les violences policières, le racisme, l’islamophobie ou encore le projet de loi « Sécurité globale » .
Da la foulée, le 1er avril, les sénateurs macronistes et LR avec le soutien ou l’abstention des socialistes, des écologistes et des communistes, votent, dans le cadre de la loi « contre le séparatisme », un « amendement Unef » qui rend possible la dissolution d’associations qui organiseraient des réunions réservées à certains « à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion ». Sont donc préservées les réunions non mixtes anti-sexistes chères aux féministes.
Aujourd’hui, les lois sécuritaires avec l’appui de la petite dernière contre le « séparatisme », sont fin prêtes à servir dans une dictature ouvertement policière et raciste.
Le pouvoir a échoué à donner une réponse adéquate à l’épidémie, mais il est en train de construire en utilisant le virus, une énorme machine de lavage de cerveau. Sa manière de revisiter l’histoire en en effaçant les pans difficilement conciliables avec une offensive idéologique de rapprochement de l’extrême droite, voudrait aussi nous faire oublier les luttes collectives de l’avant Covid, comme celles des Gilets Jaunes, contre la reforme de la retraite ou contre la réforme du baccalauréat.
Macron & Co veut nous ramener à l’état d’individus atomisés, isolés et sans défense. Comme ça la route sera ouverte au piège électoral. Mais comme on dit : on peut tout faire avec les baïonnettes sauf s’asseoir dessus. Ça et là, le vent de la révolte se lève, en écho à cette séquence historique.
Ici, à Marseille, le carnaval de La Plaine, Noailles et des Réformés, non déclaré, mobilise des milliers de personnes contre le pouvoir, met en scène de faux procès contre les responsables régionaux de la gentrification de la ville et brûle un char à l’effigie de Darmanin, symbole du sexisme, de l’islamophobie et de l’attaque de la liberté. Ailleurs, au Sénégal la jeunesse se révolte, au risque de se faire tirer dessus (une dizaine de jeunes en sont morts), contre la dictature corrompue, mise au service du néocolonialisme français et de l’impérialisme mondialisé qui affament la population.




Ripostes dans les quartiers populaires

Le 3 mars ,quartier de la Duchère à Lyon, un jeune de 13 ans circule à scooter, une voiture de police banalisée le percute, il chute et est grièvement blessé. Les habitants demandent des explications, ils sont gazés. Le lendemain, tout le quartier se révolte : on leur envoie l’armada, police municipale, nationale, hélicos. Douze personnes sont interpellées, quatre seront poursuivies et les transports en commun sont arrêtés jusqu’au vendredi : boucs émissaires, punition collective, et on appelle ça un Etat de droit ? Après la Duchère, le vent de la contestation gagnera les 5 et 6 mars les quartiers de Rillieux, Bron et Mermoz.
Le 16 mars la BAC de Blois a pris en chasse une voiture qui aurait refusé un contrôle et grillé un feu rouge. S’ensuit un accident au cours duquel deux personnes sont grièvement blessées et Yanis, 16 ans, est éjecté de la voiture poursuivie, il mourra deux jours plus tard à l’hôpital. La police nie toute responsabilité, arguant du fait que la voiture de la BAC aurait renoncé à la poursuite une minute avant les faits. Ce n’est pas l’avis des habitants de la ZUP nord de Blois qui ont protesté tout au long de la nuit suivant l’accident. Leur révolte donne lieu à l’intervention de 300 flics (BAC voisines venues en renfort, escadron de gendarmerie mobile de Paris, GIGN et hélico de la police nationale) et interprétée par les médias et le politiques comme des émeutes hyper violentes visant à tout vandaliser et détruire pour défendre un territoire tenu par des soi-disant trafiquants. La famille attend les résultats de l’enquête et organise une cagnotte (https://www.leetchi.com/c/yanis-rvewayg5) ainsi qu’une marche.




La police étouffe et la justice enterre…

Rémi Fraisse
est mort à Sivens en 2014, tué par une grenade offensive OF-F1 lors d’une manifestation (voir RE 136) qui a disparu depuis de l’arsenal répressif français. Le 23 mars dernier la Cour de cassation a confirmé le non-lieu prononcé en 2018. L’enquête confiée à des gendarmes, pas très enclins à bousculer leur collègue, ne débouchera sur aucun procès. Les juges n’ont eu de cesse de refuser les demandes des avocats de la famille Fraisse. Surtout ne pas questionner la responsabilité du gendarme, de sa hiérarchie, voir de l’Etat… par contre aucune retenue lorsqu’il s’agit de décortiquer le passé et la vie privée du jeune homme.
Adama Traoré
Après les conclusions de l’expertise confiée par le juges d’instruction à des médecins belges qui désavouaient la version policière, un collège d’experts dans lequel figure le légiste américain Michael M. Baden (coauteur de la contre-expertise indépendante dans l’affaire de la mort de George Floyd) pointe les méthodes d’interpellation des gendarmes comme principales causes de la mort du jeune homme.
Selom et Matisse
L’enquête sur l’histoire de ces deux jeunes hommes happés par un train alors qu’ils fuyaient un contrôle de police en décembre 2017 à Lille, Fives (voir RE168), a été classée sans suite par la procureure. Et ce malgré le témoignage d’Aurélien, un rescapé qui explique que les quatre amis fumaient un joint lorsque six policiers de la BAC se sont avancés vers eux matraques en main. « On ne voulait pas se faire frapper […] on est montés par là, on est partis par la gauche et le train a défilé ».
Babacar Gueye
avait 27 ans lorsque, pris d’une crise d’angoisse, il s’auto-mutile, son ami appelle les pompiers mais c’est la police qui arrive et lui tire 5 balles dans le torse (voir RE158). Au final le parquet vient de demander un non-lieu pour le fonctionnaire, estimant qu’il était en état de légitime défense, laissant sans réponse toutes les demandes de la famille et les incohérences de la version policière, comme celle mise en lumière par l’expertise médico-légale et balistique.




> CHRONIQUE DE L’ARBITRAIRE

Universités et lycées : la police y fait sa loi comme partout ailleurs
Le 10 février, des élèves du lycée Mozart du Blanc-Mesnil, sous la pression du contrôle continu initié par le nouveau bac Blanquer. Cela leur a valu l’intervention de la police venue en nombre. Suite à la perte d’un téléphone portable par un policier, les élèves présents ont été fouillés. Un quart d’heure plus tard, une élève, a été prise à partie par une policière puis traînée au sol à l’intérieur du bâtiment et violemment interpellée par 4 policiers qui l’ont plaquée au sol. Placée en GAV 10 heures durant, la jeune fille de 17 ans n’a été libérée qu’à la faveur de l’intervention du médecin légiste qui a jugé les conditions de sa détention inacceptables. Elle est convoquée fin avril pour « rébellion ».
Le 18 février ce sont les étudiants de l’Université de Nanterre qui ont eu à faire à la police. Ce jour là un rassemblement a été organisé à l’appel des résidents de la cité U pour rendre hommage à un étudiant décédé la semaine précédente. Les flics se sont déployés sur le campus, là encore sans, semble-t-il, que personne n’ait fait appel à eux, et ont verbalisés les participants pour avoir contrevenu aux règles du couvre-feu.
L’Etat a manifestement une peur bleue de la jeunesse.

La « légitime défense » des flics a encore fait un mort
Le dimanche 14 mars à 11h, un homme est mort après qu’un flic lui a tiré dessus : celui-ci argue de la « légitime défense » expliquant que l’homme l’aurait menacé avec un couteau avant de s’enfuir, le tir policier aurait eu lieu pendant la course poursuite. Ce serait maintenant à la famille de prouver que la menace n’était pas suffisante. Pour mieux comprendre les enjeux de cette licence de tuer donnée aux flics qui a déjà valu la vie à Amine Bentounsi en 2012 lire www.bastamag.net/Legitime-defense-dans-quelles-situations-policiers-et-gendarmes-ont-ils-abattu.

La Startup France à la pointe des technologies de contrôle
Contrôles suivi ou à distance des paramètres de santé, des signes vitaux, "passeports" de santé numériques… Un groupe de défense de consommateurs dénombre pas moins d’une 50aine d’applis et de technologies commercialisées « comme des outils de surveillance du lieu de travail pour lutter contre Covid-19 ». Une manne financière quand on connaît la valeur des données de masse notamment dans le domaine de la santé, et tant pis pour les libertés individuelles et le secret médical.
Mais le monde du travail ne fait que suivre une tendance politique qui a envahi nos vies.
Voilà comment la technologie sert d’ores et déjà à tracer la contestation : mars 2019, la gendarmerie annonçait 717 heures de vol au-dessus des Gilets Jaunes, pour un coût total de 1 million d’euros. Ainsi des hélicoptères équipés de supers cameras, capable d’identifier un individu sans être vu ni entendu du sol à 2 km ,issus du développement militaire, sont régulièrement utilisés dans des missions de surveillance de l’espace public, en toute illégalité – mais la loi « sécurité globale  » est là pour corriger le tir (voir RE 195). Lire : www.laquadrature.net/2021/03/05/la-police-en-helicoptere-ou-la-surveillance-militaire-des-citoyens/
Ce dont on parle moins c’est la manière dont la chasse au migrants sert de laboratoire à tout ça. Le projet Roborder a débuté en 2017. Actuellement expérimenté en Grèce, au Portugal et en Hongrie, il utilise des essaims de drones autonomes pouvant se mouvoir dans les airs, sous et sur l’eau comme au sol, capable de reconnaître les humains et de distinguer leurs agissements. IborderCtrl, testé en Grèce, Hongrie et Lettonie, permettrait grâce à un algorithme de reconnaissance biométrique de détecter les émotions d’un individu lors d’un interrogatoire de la PAF pour savoir s’il ment. Les budgets alloués à la surveillance des frontières montre le dynamisme de cette économie qui augmente en même temps que le ratio entre le nombre de personnes tentant de franchir la Méditerranée et celui de celles qui y laissent la vie.

À bas les frontières !
Alors que les mobilisations ne faiblissent pas dans les centre de retentions (voir https://abaslescra.noblogs.org/) un rassemblement se tenait devant la police aux frontières (PAF) de Montgenèvre pour dénoncer la répression croissante à la frontière franco-italienne, obligeant les migrants à prendre de plus en plus de risques. Le 05 mars 2016 un jeune exilé a dû être amputé des deux pieds après avoir été retrouvé presque mort au milieu de la montagne. Quant aux personnes solidaires, elles sont régulièrement poursuivies, accusées d’être des passeurs. Voir https://cric-grenoble.info/infos-locales/article/tout-le-monde-deteste-la-police-aux-frontieres-retour-sur-le-rassemblement-du-1981

Mumia Abu-Jamal doit être libéré
Le célèbre journaliste militant Black Panther, prisonnier politique en Pennsylvanie depuis 1982 suite à sa condamnation à la peine de mort car accusé sans preuve d’avoir tué un policier, a été testé positif à la Covid 19. Déjà malade et âgé de 67 ans, sa santé se dégrade à vue d’oeil. Le collectif « Libérons Mumia » appelle à intensifier la campagne pour réclamer sa libération, voir : www.youtube.com/watch?v=EYizRqYgDoc

Vérité et justice pour Jimony Rousseau
ont réclamé les participants à la marche du 7 février qui a abouti devant la prison de Meaux. C’est là que ce jeune homme noir de 28 ans était enfermé depuis janvier dernier, là aussi qu’un « major », selon les surveillants présents, lui aurait asséné plusieurs coups à la tête avant de l’envoyer, inerte, en quartier disciplinaire. Ces violences lui ont valu la mort, 8 jours plus tard à l’hôpital. Le jour de la marche, 60 détenus ont refusé de regagner leur cellule pour exprimer leur solidarité. Une information judiciaire a été ouverte. La famille lance un appel à témoin.