Avec le 5 décembre, tout sera possible... ?

bulletin numero 186 – du 26 novembre 2019


26 novembre 2019


Avec le 5 décembre, tout sera possible... ?

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 186 – du 26 novembre 2019


Avec le 5 décembre, tout sera possible... ?

Vous connaissez les bambous, même si vous les arrachez ici, ça repousse là. Ils se répandent, incontrôlables. Les bambous s’en foutent des clôtures, de l’ordre établi. La liberté est inscrite dans leur gènes, leurs racines, appelées rhizomes, qui refusent la dictature du haut à la base : elles poussent horizontalement et forment une sorte de réseau d’apparence chaotique dont les nœuds se nourrissent des uns les autres. C’est une expérience collective incontrôlable.
Ça y est, vous les avez reconnus, ces femmes et ces hommes qui y ont compris cette leçon de la nature. Ils ont inventé une chose nouvelle qui résiste par la démocratie et l’auto organisation horizontales à l’ancien monde de misère et de répression. Voilà les Gilets jaunes. Ils nous poussent à construire nos rhizomes pour nous débarrasser des entraves bureaucratiques qui nous paralysent.
Depuis des actes de révoltes désespérés comme le suicide sur son lieu de travail de Christine Renon, la directrice d’école ou l’immolation devant le CROUS d’Anas, cet étudiant lyonnais de 22 ans jusqu’aux résistances nouvelles, comme la grève du bac des profs de cet été, le droit de retrait des cheminots et la grève sauvage de Châtillon, la grosse manif contre l’islamophobie qui a déjoué la manœuvre anti immigrés et « anti-voile » du pouvoir jusqu’à la détermination du personnel hospitalier, la renaissance d’un mouvement étudiant sans concession, la lutte des familles et des collectifs contre les mutilations et meurtres policiers, la résistance des expulsables soumis aux conditions inhumaines dans les centres de rétention… Toutes ces luttes sont liées et renforcées par les racines horizontales cultivées par les GJ. Leur chant est entamé partout, de grèves en manifs, jusqu’au piquets des femmes de ménage qui depuis juin se sont installées devant les hôtels de luxe parisiens du groupe Ibis. Par ce chant, « On est là, on est là ! », un vent libérateur s’est levé.
Le pouvoir enfume, les médias sont à sa botte. Il n’a qu’une seule réponse : répression et prison. Et des promesses bidons. La galaxie policière ne cesse de s’élargir. Après les « voltigeurs » un nouvel exemple : le Préfet du 92 vient d’autoriser les contrôleurs de la RATP à effectuer de « palpations de sécurité ».
Les appareils syndicaux appellent à une grève le 5 décembre, date symbolique des grèves de 1995. Mais, cette fois-ci, il y a un vrai espoir que le 5 ne sera pas la journée d’action rituelle, habituellement démobilisatrice. Les bureaucrates ne sont plus crédibles. La possibilité de la grève générale illimitée, reconduite après le 5 décembre, qui bloquera le pays est sérieusement envisagée par des millions de personnes. Une nouvelle hardiesse est en train de naître des racines rhizomiques des GJ. Tout est possible.




La petite bille d’arnica

Petit, on se cogne parfois, ça fait mal et pour faire passer la douleur on reçoit une petite bille d’arnica. Arrive un âge ou l’effet placebo ne prend plus, la douleur est trop forte. Dans les quartiers populaires on voit des chantiers construire la cité de demain : cameras de surveillance partout, axes dégagés pour faciliter l’intervention policière, suppression des angles morts, gestion des flux de circulation... Un urbanisme sécuritaire souvent accompagné de l’alibi culturel (construction d’une salle de spectacle, d’une médiathèque...) comme une petite bile d’arnica. Vient aussi l’explosion des prix des loyer, s’ajoutant à la galère quotidienne, au chômage, aux relations pourries avec l’école sans moyens et les institutions en général. La violence policière en est la cristallisation la plus flagrante. La douleur est là, et la rage aussi.
À Chanteloup-les-Vignes, le samedi 2 novembre dans la soirée, une partie de la population s’affronte à la police , un chapiteau de cirque qui vient d’être reconstruit pour une valeur de 800 000 euros et dans lequel de nombreuses activités sont proposées aux enfants du quartier, est incendié. Horrifiés, indignés, les politiques et représentants de l’institution, s’émeuvent et condamnent le fait d’une « petite bande d’imbéciles et d’irresponsables », de criminels, de dealeurs que la rénovation urbaine dérangerait dans leur économie souterraine et qui brûlent la culture. Mais peut on se satisfaire d’un point de vue aussi manichéen notamment quand on sait que ces condamnations ne feront que justifier encore plus de répression ? Se peut-il que le chapiteau représente plus que cela ?Que s’est il passé exactement à Chanteloup-les-Vignes ? Pas de porte parole pour répondre, mais une chose est certaine c’est que les problèmes soulevés sont beaucoup plus complexes que cette équation pourrie, culture contre dealer, qui n’augure rien de bon pour les habitants des quartiers.




> sur le vif

Catherine est morte
Ce n’est pas possible. Pas elle. Elle était de tous les combats. Contre l’Etat, les patrons et les injustices, contre tous les racismes. Elle était là où peu étaient là, parce que luttes trop dures, trop
longues, trop… Les Panthères noires, Mumia Abou Jamal, George Ibrahim Abdallah, la Palestine… toujours là avec sa gentillesse, intelligence, sourire, modeste et fraternelle. Mais inflexible face aux ennemis. Quand le vent se lèvera, quand il brisera la croûte étouffante du pouvoir qui nous couvre, on reverra dans l’air désormais cristallin, Catherine en train de faire tourner la manivelle de la machine à tempête libératrice.

János, le 8 novembre 2019

> chronique de l’arbitraire

Deux poids deux mesures dans le traitement judiciaire du mouvement des GJ
Exemples côté GJ :4 mois avec sursis et 70 h de TIG pour Ambre et Franck GJ tourangeaux qui avaient ramené en souvenir un tabouret et des fourchettes ramassés dans le Fouquet’s saccagé le 11 mars sous l’oeil amusé du vigile du restaurant ; 300 euros d’amende et 100 euros de dommages et intérêts à payer pour Gaspard Ganz, journaliste militant qui a adressé un doigt d’honneur aux flics qui l’avaient bousculé. Par contre, côté violences policières, sur les 212 enquêtes confiées à l’IGPN, 146 ont été clôturées dont 54 classées sans suite avec notamment l’argument qu’il était impossible d’identifier les auteurs comme dans le cas de la plainte déposée par la mère de Lilian, 16 ans, sorti faire des courses à Strasbourg qui a eu la mâchoire fracassée suite à un tir de LBD en janvier. Sur 18 informations judiciaires seuls deux policiers sont passés en procès : le premier a lancé un pavé sur les manifestants, l’autre giflé un GJ. Leurs avocats sont confiants « le jet de pavé et la claque sont des violences dont on peut discuter » et ils ont raison puisque 3 mois avec sursis sont requis contre le lanceur alors qu’un GJ ayant lancé un pavé en direction des flics en janvier avait, lui, écopé de 8 mois de prison ferme.
Finalement pour l’Etat, tout va pour le mieux. Castaner s’apprête à valider le futur « schéma national du maintien de l’ordre » qui entérine les méthodes employées depuis un an contre les GJ. Manuel 41 ans venu manifester le 16 novembre pour les un an du mouvement et pris en nasse place d’Italie en a encore fait les frais : il a été éborgné par un tir de grenade.

Attentat islamophobe de Bayonne
Selon le procureur de Bayonne, des doutes subsistent sur l’« état de santé psychique » de cet ancien candidat du Front national qui a tenté d’incendier la mosquée de Bayonne, puis tiré et blessé deux hommes âgés de 78 et 74 ans qui s’y trouvaient. Le procureur, émanation du gouvernement, refuse ainsi de l’inculper de terrorisme. Sans blague ! Imaginez si c’était une église ou une synagogue qui subissait la même attaque. On aurait tout de suite droit à une énorme campagne islamophobe. Par ailleurs, si de telles circonstances atténuantes avaient été évoquées pour qualifier la tuerie démente commise par les terroristes du Bataclan, cela aurait été immédiatement assimilé à de l’apologie du terrorisme. Stop avec le deux poids deux mesures !
Heureusement la marche contre l’islamophobie du 10 novembre à Paris en rassemblant plus de vingt mille personnes décidées aux cris de « C’est quoi le problème le voile ou la misère sociale ? » a su être une réponse digne à la tuerie de Bayonne.

La répression continue contre les lycéens mobilisés en décembre dernier
Le 25 novembre à 13h30 au TGI de Créteil, devait avoir lieu le procès du premier des quatre lycéens du lycée Romain Rolland d’Ivry encore poursuivis pour avoir taggé en décembre 2018, en pleine mobilisation lycéenne contre les réformes de Blanquer et Parcoursup (voir RE 178 et 181). Il a été reporté à février prochain suite à la forte mobilisation à l’appel du collectif animé par les élèves, avec le soutien de professeurs, de parents, de citoyens, d’élus locaux, le Front de Mères et le comité Adama, qui s’est constitué (@Rrolland94200) pour récolter des fonds en vue des procès. Mais aussi, pour dénoncer la surveillance policière accrue qui a valu en octobre dernier à l’un de leur élèves d’être très violemment interpellé alors qu’il se rendait au lycée en Vélib avec un camarade. En effet, il semblerait que depuis décembre dernier des lycées dans lesquels les élèves s’étaient fortement mobilisés aient été mis « sous surveillance » par le Rectorat. On n’en sait pas plus mais ce qui est sûr c’est que cette « surveillance » ne signifie pas des moyens pédagogiques supplémentaires, ce que réclament pourtant élèves et professeurs depuis des lustres.

Rémi Fraisse, ni oubli, ni pardon !
Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, en pleine mobilisation contre le projet de barrage à Sivens, Rémi Fraisse reçoit dans le dos une grenade OF F1 « offensive », tirée par les forces de l’ordre, qui, en explosant lui sectionne le haut de la colonne vertébrale. Rémi meurt sur le coup. Après un non lieu en janvier 2018, l’appel a eu lieu le 10 octobre au tribunal de Toulouse devant lequel un rassemblement s’est tenu, encadré par un dispositif policier impressionnant. Malgré cette provocation, les prises de parole se sont enchaînées en hommage à Remi ainsi qu’aux autres victimes tuées par la police, et pour dénoncer l’impunité policière. Le délibéré le 9 janvier 2020. Plus d’infos : https://desarmons.net/index.php/2019/10/12/appel-du-non-lieu-dans-la-mort-de-remi-fraisse-compte-rendu/

Babacar Gueye, ni oubli, ni pardon !
Dans la nuit du 2 au 3 décembre 2015 à Rennes, quartier Maurepas, Babacar Gueye, 27 ans, est pris d’une crise d’angoisse, il se saisit d’un couteau et s’auto-mutile. Son ami appelle les pompiers, c’est la police qui débarque, un flic tire 5 balles, Babacar meurt sur le coup. Le traitement policier et judiciaire qui suit ne déroge pas à la règle du genre : salissant la mémoire du défunt en décrivant Babacar comme un forcené particulièrement agressif, la police se disculpe, évoquant la légitime défense. Le 6 juillet 2016 l’affaire est classée sans suite. Mais la sœur du défunt, Awa Gueye, avec le collectif Justice et Vérité pour Babacar, déterminés, ont su arracher des morceaux de vérité et a réussi en 2017 à se constituer partie civile apprenant au passage que l’arme du crime et les deux chargeurs ont été détruits « accidentellement » et que les 5 balles n’ont pas été tirées de face, ruinant par la même la thèse de la légitime défense.
Samedi 7 décembre, 14h à Maurepas, Rennes, marche commémorative Justice et Verité pour Babacar. Facebook : Collectif Justice et Vérité pour Babacar Gueye

Gaye Camara, ni oubli, ni pardon !
Dans la nuit du 16 au 17 janvier 2018 à Épinay-sur-Seine, trois agents de la BAC surveillent une Mercedes signalée comme volée lorsqu’une Polo s’arrête à sa hauteur avec trois occupants dont l’un semble vouloir prendre possession du véhicule.Les policiers interviennent, provocant leur fuite. Les agents de la Bac tirent alors à huit reprises. Gaye Camara au volant est atteint à la tête. Les deux survivants, parlent d’une exécution pure et simple. Depuis, la famille qui s’est constituée partie civile dénonce une volonté d’étouffer l’affaire : 4 mois ont été nécessaires pour qu’un juge d’instruction soit désigné, 13 mois après seuls deux témoins ont été entendus, et ni la famille ni les policiers n’ont été interrogés. Un non-lieu a été prononcé le 26 octobre 2019 sous couvert de légitime défense. Le 2 novembre, un rassemblement a regroupé plusieurs collectifs et environ 200 personnes. Facebook VeriteetJusticePourGaye

Un autre mort à Vincennes !
À 19 ans, Mohammed était enfermé depuis 28 jours au CRA de Vincennes le 28 novembre au matin, lorsque ses codétenus l’ont découvert entre la vie est la mort. Il faudra des plombes aux flics pour réagir et envoyer une infirmière, faute de médecin sur place. Puis encore une demie-heure avant que les pompiers arrivent, trop tard. C’est le deuxième décès à Vincennes en trois mois. La presse évoque un « mélange de médicaments et de stupéfiants ». Ses camarades eux pointent du doigt la responsabilité des médecins du centre, de qui Mohammed recevait chaque jour des tranquillisants et autres somnifères… Les pilules sont aussi fréquemment servies au moment de l’expulsion ou avant le passage devant le juge.
Depuis des mois la colère gronde dans les CRA, les cris d’alarmes, grèves de la faim… se multiplient, dénonçant les conditions de vie atroces dans ces lieux d’enfermement, les violences des policiers. Parlant de Mohammed, un camarade témoigne « la veille de sa mort, il avait encore mal, il s’était fait étrangler par des flics. Tous les jours, on voit des prisonniers qui ont des bleus, des traces de coups. » À bas les frontières !




> agir

Sortez couvert.e.s (V5 - oct 2019)
Le groupe légal de la Coordination contre la répression et les violences policières vient d’éditer sa brochure mise à jour. À lire sur https://paris-luttes.info/sortez-couvert-e-s-7928 – Tél  : 07 52 95 71 11 – mail à stoprepression(AT)riseup.net – caisse de soutien  : kutt.it/stoprep