Enfin… une victoire !

bulletin numero 168 - decembre 2017/janvier 2018


23 décembre 2017


Enfin… une victoire !

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 168 / décembre 2017/janvier 2018


Enfin… une victoire !

Ils sont presque invisibles. Ces femmes et hommes nettoient nos gares, travaillent souvent cachés par la nuit. Mais quand les poubelles débordent, tout s’éclaire.
Ils sont 84 grévistes, immigrés, d’une société sous-traitante de la SNCF, H. Reinier-Onet, qui a récemment repris le marché à une autre boîte pour le nettoyage des gares du nord de la région parisienne. Ils viennent de gagner, après 45 jours de lutte radicale. Contre une nouvelle clause de mobilité, pour des primes de panier repas, la reprise des anciens temps partiels sous contrats pérennes, la défense de leurs délégués, la convention collective de manutention ferroviaire, le paiement des jours de grève… Pour « le respect et la dignité ». Ils ont manifesté, tenu des piquets 24 heures sur 24 dans trois grosses gares dont ils empêchaient le nettoyage, certains ne sont pas rentrés chez eux pendant tout ce temps. La SNCF les a traînés devant des tribunaux administratifs pour « occupation illicite », des escouades de flics ont ponctuellement brisé leurs piquets pour permettre le nettoyage par des intérimaires… Mais rien n’y a fait, ces femmes et hommes n’avaient pas peur. Avec le soutien notamment de syndicalistes du rail, ils ont fini par gagner sur la plupart des revendications, ont fait reculer le patronat et la police à son service. Ils ont osé.
On dit qu’une goutte d’eau contient toute la richesse de la mer. Cette grève (comme celle menée depuis deux mois par le « petit personnel » sous-traitant (ménage, plonge...) de l’hôtel Holiday Inn de Clichy, les deux mouvements se soutenant mutuellement), par l’admiration, la joie et l’enthousiasme suscités, a entraîné dans son sillage syndicats, collectifs et individus solidaires, jusqu’au collectif Vérité et justice pour Adama Traoré.
Les journées d’action démobilisatrices sans lendemain, les balades tristes République-Nation contre les ordonnances Macron… Voilà où les bureaucrates nous laissent.
Alors que ces poignées de précaires immigrés, ces « damnés de la terre » comme écrivait Franz Fanon, réussissent justement là où la majorité échoue. Leur recette : grève auto-organisée sur les lieux de travail, indépendance et démocratie de la lutte, courage et culot… Mais la solidarité forte avec ces personnes, indispensable pour leur moral et surtout leurs caisses de grève, ne doit pas se traduire par des grèves par procuration pour le reste de la population. Par leur prise de risques, ces grévistes sont avant tout un exemple à suivre.




> chronique de l’arbitraire

2e commémoration de la mort de Babacar Gueye
Ce 2 décembre , 400 personnes ont marché du centre-ville de Rennes jusqu’au quartier de Maurepas où Babacar avait été tué par la BAC. Au rendez-vous 14 camions de la police et de la brigade d’intervention, et un hélicoptère mais la marche a pu se dérouler comme nous le voulions, sans pression policière. En tête du cortège, derrière la banderole marchaient côte à côte Awa Gueye (sœur de Babacar), Ramata Dieng (sœur de Lamine) et Aurélie Garand (sœur d’Angelo), des membres de l’Assemblée des blessés. Le soir : un concert, un repas sénégalais, des discussions. 1400€ ont été récoltés.

Il s’appelaient Joaïl, Nicolas, Massar, Matisse ou Selom
Leurs points communs ? Tous sont morts, leur chemin ayant croisé celui de la police, tous sont noirs ou arabes, tous sont issus des quartiers populaires, tous sont dans la fleur de l’âge…
Le 21 novembre à Vienne, dans l’après-midi la police municipale cherche à contrôler un jeune homme au volant d’un quad non immatriculé. Plus tard elle retrouve le quad à l’arrêt, un groupe de jeune à proximité. Joaïl Zerroukhi, 19 ans, parmi eux, prend la fuite. Poursuivi, il s’engage sur les voies ferroviaires où il est fauché par un TER et perd la vie. La ville connaît alors plusieurs nuit de violences, incendies de voiture et de containers à poubelle, heurts avec les forces de l’ordre…
Ce même jour au soir, à Thonon-les-Bains, la BAC intervient sur la Place de Crète. Elle y trouve une voiture qu’ils reconnaissent pour l’avoir déjà contrôlée la veille. Le véhicule prend la fuite, la police à ses trousses. Dans une « version officielle » des policiers à pied expliqueront avoir été pris pour cible, un des passagers aurait sorti une arme de poing. Ce qui est sûr c’est que la BAC tire et que Nicolas Manikakis est mortellement blessé. Les policiers interpellent son frère resté à ses côtés. Le 2 décembre une marche a réuni plusieurs centaines de personnes en mémoire de Nicolas. Son frère était toujours en détention. « Si des gens ont vu ou entendu ce qui s’est passé ce jour-là, nous avons vraiment besoin de vous », a appelé sa tante.
Le 22 novembre, Gare du Nord à Paris, Massar, 20 ans, est interpellé après avoir tenté de fuir la police. Il aurait avalé des pochons de crack avant d’être rattrapé. Les flics disent s’être mis « à plusieurs sur lui pour l’immobiliser et lui faire recracher ». Résultat, le jeune homme tombe dans le coma. Diagnostic : pas de trace de drogue dans le sang mais une encéphalopathie post-anoxique car son cerveau a manqué d’air. En bref, Massar est mort étouffé par les forces de l’ordre après 13 jours passés dans le coma.
A Lille 4 jeunes tentent d’échapper au harcèlement policier. Il s’ensuit un accident où 2 d’entre eux perdent la vie. Depuis septembre, la police est déployée en grand nombre dans le quartier de Fives à Lille. Elle y exerce une pression au quotidien sur les jeunes. Ce vendredi 15 décembre, quatre jeunes tentent d’échapper à un énième contrôle. Ils s’engagent sur une voie ferrée, un train les happe. 2 sont morts, Matisse et Selom, un 3ème est gravement blessé, pour le 4ème c’est moins grave. Le procureur et les médias prétendent qu’il n’y a pas eu de poursuite de la part des policiers et que ces 4 jeunes ont simplement voulu pendre un raccourci (quel raccourci ? De l’autre côté de la voie ferrée, c’est un mur de béton puis un à pic de 5 mètres sur une autoroute !). Les 2 survivants sont formels : ils étaient poursuivis par les policiers.

L’Etat continue de s’acharner sur les frères d’Adama Traoré
Adama est mort entre les mains de gendarmes du Val d’Oise le 19 juillet 2016. Depuis, sa famille n’a de cesse de réclamer vérité et justice alors l’État emploie ses armes pour la faire taire. Après Bagui en prison depuis le 22 novembre 2016, Yacouba en prison depuis mars 2017, Youssouffé qui y a passé 21 jours et Cheikné qui a fait 53 heures de GAV, la police vient d’interpeller un autre frère d’Adama, Youssouf , 23 ans, dans le cadre d’une enquête pour « trafic de cannabis ». Un rassemblement a eu lieu devant le tribunal de Pontoise le mardi 19 décembre pour dénoncer l’acharnement contre ceux que l’on peut considérer comme des prisonniers politiques. Soutenons cette lutte. Cagnotte : https://www.okpal.com/adama-traore

La police a « dérapé » ?
Ce coup-ci, les flics municipaux prennent en chasse un scooter dans le quartier des Freycinet à Asnières le soir du 29 novembre. La voiture de la PM déboule sur une zone piétonne et percute Yanis, 19 ans. Ils diront que cette personne s’est mise volontairement sur leur route, qu’ils ont dérapé… . Mais d’autres témoignages contredisent sérieusement les autorités, « ils sont arrivés à fond à 40km/h, ils l’ont heurté par derrière… ». Le rapport des pompiers confirme le choc dans le dos. Yanis a déposé plainte pour « blessures involontaires ». Il s’en sort avec un traumatisme crânien. Depuis le quartier est sous tension, le 9 décembre les habitants des Freycinet invitaient à un rassemblement devant le métro 13, arrêt les Courtilles.

Que fait la police, ça crève les yeux !
Le jeudi 23 novembre au matin, les lycéens de Gustave-Eiffel à Cachan (94) bloquent leur établissement en protestation contre l’esclavage en Libye. La police intervient brutalement. Les témoins parlent de lacrymogènes et de plusieurs tirs de LBD 40, tirs contestés par la police. Difficile de nier par contre la blessure à l’oeil d’une lycéenne. Opérée à l’hôpital Cochin, l’élève a perdu définitivement l’usage de son œil. Une mutilation de plus à mettre aux crédits des forces de l’ordre…
C’est dans ce contexte qu la police municipale de Melun inaugure une nouvelle arme dite « non létale », proche copie du LDB 40, censée avoir les mêmes performances balistiques, avec viseur holographique et désignateur laser, de fabrication française. Après la police nationale c’est au tour des flics municipaux, ça promet…
Sources : https://desarmons.net/2017/12/01/la-police-municipale-sequipe-dun-nouveau-modele-de-lanceur-de-balles-de-defense/

Le rassemblement en hommage à Wissam El-Yamni interdit
Le 18 novembre à Clermont-Ferrand était prévu un rassemblement en hommage à Wissam El Yamni, tué par la police 6 ans auparavant. La cérémonie prévoyait la plantation d’un arbre et le dépôt d’une stèle. Pour la famille « une pause dans la quête de la vérité […] redonner (à Wissam) son identité de fils, de frère, de mari, d’ami ». Mais 3 syndicats policiers ont menacé d’organiser une contre-manifestation ce qui a encouragé la décision de la préfecture d’interdire le rassemblement invoquant « des menaces de trouble à l’ordre public ». Wissam, on n’oublie pas, on ne pardonne pas ! Infos : http://www.justicepourwissam.com/

Condamnation de la France par la cour européenne
pour la mort en 2009, dans un fourgon de police de Monsieur Boukrourou, pour violation de l’article 3 de la Convention qui interdit les traitements inhumains et dégradants. Dans son arrêt du 16/11/2017, la CEDH écrit : « À l’intérieur du fourgon, Mohamed Boukrourou a été maintenu sur le ventre, menotté à point fixe, et avec trois policiers debout pesant de tout leur poids sur les différentes parties de son corps. Il a été littéralement foulé aux pieds par la police à l’intérieur du fourgon ».

Attaques sans précédent de Macron et Collomb contre les réfugiés
L’État multiplie les circulaires pour encore davantage organiser la traque et le malheur des migrants. À Calais et à Paris, la consigne est donnée aux flics d’empêcher par tous les moyens (comme lacérer les tentes ou jeter les couvertures) qu’un quelconque campement se reconstitue. Une circulaire du 20 novembre appelle les préfets à « élaborer un plan de bataille départemental » pour expulser le plus possible de migrants, ce sont les déboutés du droit d’asile et les « dublinés » qui sont visés. Les centres de rétention sont pleins et Collomb incite à les remplir encore (810 personnes y sont emprisonnées contre 497 l’an passé). Les auto-mutilations, les tentatives de suicide ou d’évasion se multiplient comme à Vincennes où un incendie s’est déclenché suite à des tentatives d’évasion qui ont échoué. Et puis, une première, un nouveau dispositif autorise des « brigades mobiles » de la préfecture à pénétrer dans les structures d’hébergement d’urgence, y compris les hôtels sociaux, pour y contrôler les personnes hébergées et faire le tri et organiser l’expulsion de ceux qui ont des OQTF.

Macron poursuit la célébration de l’identité nationale initiée sous Sarkozy et Hollande
D’abord, le ministre de l’éducation Blanquer a déclaré porter plainte contre le syndicat Sud éducation 93 accusé d’avoir utilisé l’expression « racisme d’État » pour qualifier la politique de discrimination inhérente aux institutions françaises notamment de l’éducation. Après, le gouvernement a viré R. Diallo du conseil national du numérique pour la même raison. Et le samedi 9 décembre : la moitié de Paris a été bloquée par la venue de Macron, président soi-disant laïque, à la messe pour les obsèques de Johnny Halliday, le rocker adulé. Si l’on ne peut douter de la sincérité des fans rassemblés dehors dans le froid, il s’agissait par contre pour Macron de célébrer l’identité nationale des riches et des français « d’apparence chrétienne ». Finkelkraut s’est empressé de le confirmer sur Radio RCJ : durant cet hommage populaire « les non-souchiens brillaient par leur absence ».

Manifestation de solidarité avec les lycéens mobilisés et réprimés
Un appel à manifester à été lancé pour le jeudi 18 janvier à 18h devant le lycée Bergson rue Edouard Pailleron à Paris 18ème. Il s’agit de dénoncer la répression policière, judiciaire et administrative féroce et quasi systématique des mobilisations lycéennes. Pourquoi Bergson ? Car c’est ici que le 24 mars 2016 de nombreux lycéens ont été tabassés par la police. Un flic a été condamné et un autre doit passer en jugement en mars 2018. Mais la justice s’est aussi attaquée aux victimes : l’un des lycéens tabassé et mis en gav sans aucun respect du cadre de la loi sur la protection des mineurs, a été condamné à de la prison avec sursis, de la mise à l’épreuve et à payer une forte amende. C’est encore devant Bergson que le 10 octobre 2017 alors que les lycéens, à nouveau mobilisés contre la loi travail XXL, tentent un blocage, la police intervient et arrête de nombreux lycéens dont certains seront placés en gav pendant 48h (parmi eux un collégien de 13 ans). Ça ne s’arrête pas là : au lycée Bergson, la direction et une partie du personnel participe à la répression en organisant des conseils de discipline contre les élèves qui se voient écoper d’une « exclusion avec sursis ». Mais Bergson n’est pas un cas isolé.

Acharnement contre Antonin
Condamné à 5 ans de prison dont 2 ans avec sursis dans l’affaire de la voiture de flics brûlée en mai 2016, les flics sont venus l’arrêter à 6h le 5/12, défonçant la porte à coups de bélier. Il a été directement emprisonné.

Notre camarade Martin Zerner
est mort samedi 9 décembre 2017. Enfant sous le régime de Vichy, il sera traqué parce que classifié juif et séparé de ses parents qui avaient rejoint la résistance. Cette terrible expérience ne l’a pas brisé mais lui a au contraire donné la force de combattre toutes les oppressions et les injustices. Martin, ton humour et ta droiture nous manquent déjà.