Des larmes dans les yeux…

bulletin numero 138 - fevrier 2015


9 février 2015


Des larmes dans les yeux…

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 138 / Février 2015


Des larmes dans les yeux…

mais, cette fois-ci, pas dans ceux des familles et amis des dizaines et des dizaines de personnes tuées ou mutilées par la police. Non, cette fois-ci, c’étaient des larmes de bonheur des flics eux-mêmes alors qu’ils étaient applaudis par la foule. « Merci, merci, heureusement que vous êtes là ! ». Une première. C’était lors de la grande embrassade nationale où des « amis de la liberté » comme Netanyahu, Bongo, Orban, Hollande, Sarkozy… ont prétendu « rendre hommage » aux victimes des tueries horribles de Charlie hebdo et de l’Hyper Cacher de Vincennes.

Et derrière eux des millions de personnes qui marchaient. C’était l’extase de la campagne « sécuritaire », le pouvoir, éhonté, brandissait les victimes pour en faire un étendard politique. L’accusation d’« apologie du terrorisme » devient alors son arme de destruction massive. Le pouvoir « républicain, laïque » fauche large, gamins de 8 et 9 ans au commissariat, perturbateurs de la « minute de silence », une phrase de travers d’un mec qui avait bien picolé… ce sont des mois de taule, la stigmatisation, le rejet. L’Immigré, l’arabe, le noir, le supposé musulman ont désormais un coup de tampon au front.

Quand la crise s’abat sur nous, quand on a le dos au mur, on s’habitue facilement à tout, ou presque. Qui n’a pas passé son chemin devant un corps, à moitié gelé sur le trottoir ? Qui proteste, à part une petite minorité, quand on jette des enfants Rroms dehors à coups de bulldozers ? ou contre l’expulsion des sans-papiers par milliers ?

Cette accoutumance au bourrage de crâne est paralysante et mauvaise conseillère. Le risque est que la panique soit la réaction majoritaire.

C’est cette politique raciste et xénophobe qui ouvre un large boulevard à l’extrême droite, quand celle-ci arrivera au pouvoir, il sera trop tard pour dire : « je n’ai pas voulu ça ».

Des temps lourds s’annoncent. Résister, ça commence par leur dire NON ! Non à la stigmatisation et à l’ordre moral que veulent nous imposer ceux qui organisent notre exploitation !









Minute de silence, débats, signalements, instruction morale : élèves piégés, profs mis au pas ?

Suite à la tuerie de Charlie Hebdo, l’État réagit, comme à son habitude, dans la précipitation. Une minute de silence est organisée dès le lendemain dans tous les établissements scolaires alors même que les tueurs sont encore traqués par la police. Au début la ministre Vallaud-Belkacem incite plutôt les personnels à prendre en compte l’état de choc des élèves en organisant des débats autour des évènements, tout en prenant la précaution de demander que soient signalés les élèves qui auraient des « réactions inadaptées ». Une semaine plus tard, la ministre est bien plus claire : « il y a eu de trop nombreux questionnements de la part des élèves, dit-elle à l’assemblée face à tous les députés qui salueront unanimement la fermeté de son discours, et nous avons tous entendu les “oui je soutiens Charlie, mais”, les “deux poids deux mesures”, les “pourquoi défendre la liberté d’expression ici et pas là”. Ces questions nous sont insupportables, surtout lorsqu’on les entend à l’école ». Elle ajoute que 100 cas lui ont été signalés (sur près de 13 millions d’enfants scolarisés en France !) dont 40 jugés suffisamment dangereux pour être entendus par les services de l’État. Parmi eux, à Nice, Ahmed, 8 ans, signalé par son prof pour avoir mal répondu à la question « es-tu Charlie ? » passera deux heures au comico convoqué par les flics pour « apologie du terrorisme », idem pour un autre enfant de 9 ans dans l’Aisne signalé pour avoir crié « Allah Akbar, vive le Coran » pendant la minute de silence (aucun témoin ne pouvant attester qu’il s’agit bien de lui). Le piège s’est donc d’abord refermé sur les premiers visés : les élèves des quartiers populaires et plus largement ceux dont « l’apparence » pourrait laisser penser que ce sont des « musulmans » ou des « étrangers ». La stigmatisation et la discrimination qu’ils subissent au quotidien à l’école et dans l’ensemble de la société se voient dès lors justifiées par leur comportement.

Ensuite est venu le tour des profs : l’État commence par suspendre l’un d’entre eux, un prof de philo à Poitiers contre lequel une plainte pour « apologie du terrorisme » a été déposée, tout en félicitant l’engagement de ceux qui ont signalé les élèves aux propos « insupportables ». Le message est d’autant plus clair que des mesures sont annoncées pour « lutter contre le terrorisme » : cours d’instruction morale et civique obligatoires dès la rentrée prochaine pour tous les élèves, profs incités à suivre des formations sur « la manipulation mentale » ou encore à former« un groupe ressource capable de proposer des réponses aux comportements contraires aux valeurs de la République », instauration d’une journée de la laïcité au cours de laquelle de nouveaux débats seront organisés (autant d’occasions de signaler des élèves récalcitrants ?). Au même moment, les lycées et collèges sont informés des moyens qui seront mis à leur disposition à la rentrée prochaine pour dispenser l’enseignement des différentes disciplines : on constate alors, dans les quartiers populaires, que les classes surchargées (35 élèves) se généralisent que les postes nécessaires ne seront pas pourvus (en tout cas, pas par des profs titulaires).

Bref, à moins d’une résistance massive et déterminée des profs, des élèves et de leurs parents pour exiger des moyens et refuser l’ensemble du dispositif idéologique nouvellement mis en place, on a toutes les raisons de craindre que ce qui restait de valable dans l’école, la transmission de savoirs (scientifiques, logiques, techniques ou artistiques) par des personnes formées en la matière, ne sera bientôt plus qu’un vague souvenir, et l’école aurait désormais une seule couleur : le bleue CRS.





Condamnations pour « apologie du terrorisme »

Depuis le 9 janvier et en seulement une semaine, au moins 6 personnes ont été accusées d’« apologie publique d’actes de terrorisme » après s’être félicités devant témoins des tueries du 7 et du 9 janvier dernier (notamment des meurtres de policiers). C’était la première fois qu’était appliquée la loi du 14 novembre dernier (voir RE 133 et 134). Toutes les condamnations ont été prononcées en comparution immédiate et ont touché : à Valenciennes, un homme saoul arrêté après un accident de voiture qui a provoqué une blessure légère condamné à 4 ans de prison ferme ; à Toulouse, un resquilleur dans un tram à 10 mois ferme ; à Reims, un chômeur passager d’une voiture arrêté suite à un accident sans gravité, à un an ferme ; à Toulon, un internaute facebooker arrêté sur dénonciation à 3 mois ferme ; à Vesoul, un homme saoul qui a menacé au téléphone de faire sauter au lance-roquette la gendarmerie. C’est la première fois qu’une loi sur la « lutte contre le terrorisme » n’a pas été utilisée comme outil de répression contre une filière de recrutement « djihadiste », car l’intention avouée des procureurs était de rappeler le « droit républicain » en montrant la « sérénité de la République » : c’est raté, car l’impression est plutôt celle d’un mouvement de panique dont certains vont cependant devoir payer les conséquences par un emprisonnement.






> [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]





Wissam El-Yamni, le Parquet annule la mise en examen du policier

Le 1er janvier 2012, Wissam El-Yamni perd la vie suite a son interpellation par la police à Clermont-Ferrand. Il reçoit des coups pendant 10 minutes, 25 policiers sont autour de lui. Janvier 2014, le procureur général de Riom annonçait qu’au bout de 5 mois maximum des experts donneraient les causes exactes de la mort. Nous sommes 1 an après, toujours rien ! Pire, nous avons appris avec consternation et colère que le mardi 20 janvier 2015, le Parquet a annulé la mise en examen d’un des deux flics responsables de sa mort.

Infos : http://www.urgence-notre-police-assassine.fr/



Un nouvel accroc dans la version du procureur

Le 20 décembre Bertrand Bilal Nzohabonayo est abattu par la police à Joué-lès-Tours (Voir RE 137). Le jeune homme est très rapidement présenté comme un « terroriste ». Mais des témoignages contradictoires émergent affirmant que le jeune homme se serait défendu suite à une interpellation violente. Dans un article documenté, le site Médiapart montrait la photographie d’un homme noir, possiblement Bertrand Bilal, étendu sur les marches devant le commissariat. Cliché qui contredirait la version policière pour qui les faits se sont déroulé exclusivement à l’intérieur du commissariat. Le procureur, cherchant à balayer dans une conférence de presse ce qu’il qualifie de « rumeur » c’est-à-dire toutes hypothèses contradictoires, certifie que la personne allongée serait un agent des forces de l’ordre. Or aucun policier noir ne serait en poste à Joué-lès-Tours… Infos : http://larotative.info/mort-de-bertrand-bilal-nzohabonayo-814.html



Classée sans suite

« Il a crié "Ferme ta gueule" plusieurs fois et puis c’est comme s’il avait pété les plombs, il a commencé à me taper dessus avec la matraque, une matraque en fer, télescopique. » Raymond Gurême, 89 ans, rescapé de l’internement des « tsiganes et forains » pendant la 2e guerre mondiale, était passé à tabac par la police lors d’une intervention sur son campement en septembre dernier (voir RE 134).Sa plainte a été classée sans suite, il n’a même pas été convoqué pour donner sa version… Pour écouter un reportage réalisé par l’Actu des luttes devant le TGI d’Évry, lors du rassemblement du 13 décembre 2014 : http://www.sonsenluttes.net/spip.php?article782



Nice : Encore un mort en garde à vue

Un homme de 50 ans est mort dans la caserne Auvare de Nice au cours de la nuit du 6 à 7 janvier. C’était un Algérien qui avait été placé en garde à vue accusé de vol avec violences. D’après la police il a été découvert mort, en position assise dans sa cellule et serait mort d’une crise cardiaque. Une fois de plus, en « toute indépendance », la police, à travers l’IGPN, va enquêter sur elle-même, comment espérer que cette version soit contredite ?



La liberté d’expression version La Poste :

première révocation d’un fonctionnaire pour motifs militants depuis 1951 ! Yann Le Merrer, secrétaire départemental de SUD-Activités postales, lutte pour sa réintégration. Ce qui lui est reproché ? Des prises de parole lors d’Assemblées Générales et sans doute son statut syndical. Le contexte de la lutte ? Entre janvier et juillet 2014, de nombreuses grèves ont ébranlé le secteur postal dans les Hauts-de-Seine, à l’initiative de SUD-Activités postales, afin d’obtenir un CDI pour 4 collègues dont les contrats précaires n’ont pas été renouvelés. C’est cette lutte pour le droit à un travail non précaire pour toutes et tous qui est visée et par ce biais la détermination de militants comme Yann, qui au nom de la lutte, ose se mettre en avant et donc prendre des risques.

Un recours a été déposé pour lever la révocation.

Signons la pétition : http://reintegrationyann.sudptt.org/index.php?petition=3&signe=oui



Procès pour collage contre les violences policières

Deux personnes sont passées en procès mercredi 21 janvier à Paris pour « provocation directe à la rébellion par la voie d’apposition d’affiches » et « refus de se soumettre à un prélèvement biologique ». En réalité, il s’agit d’une énième attaque contre les militants en général, contre ceux et celles qui luttent contre les violences policières en particulier.

La procureure décide de ne pas demander une condamnation pour le refus de prélèvement ADN (il faut dire que les faits reprochés ne rendent pas le fichage ADN obligatoire), mais demande la révocation d’1 mois de sursis ou 2000 euros d’amende pour l’un et la révocation de 6 mois de sursis pour l’autre, c’est-à-dire de la prison ferme pour les deux. Pour un collage d’affiches qui appelle à s’organiser pour lutter contre les crimes policiers, toujours impunis, eux. Délibéré le lundi 16 février 2015.



L’Europe forteresse

se gargarise, fait les comptes de sa gigantesque opération de rafles dans 27 pays à travers le continent, l’opération Mos Maiorum, coordonnée du 13 au 26 octobre par Frontex. Au total, 19234 personnes ont été arrêtées, contrôlées et interrogées pour ramasser des infos en vue de durcir les politiques contre l’immigration. Mais ce que les rapports s’empressent d’oublier ce sont les plus de 27000 morts depuis l’an 2000, femmes et hommes qui ont perdu la vie d’avoir essayé de « brûler les frontières » (https://www.detective.io/detective/the-migrants-files/).



Maria Francesca était Rrom

Ce bébé de deux mois et demi est décédé le lendemain de Noël. Sa famille était en situation de détresse, vivant dans un abri de fortune sous un pont. Encore une tragédie sur fond de discrimination, qui se poursuit jusque dans la mort, lorsque le maire divers droite du village de Champlan a refusé d’inhumer le bébé décédé dans le cimetière de sa commune.Il fera mine d’un malentendu dans les médias, mais l’élu n’en est pas à son coup d’essai : il tenait des propos d’une rare violence à l’égard des Roms lors du conseil municipal du 28 novembre dernier, appelant à les expulser au plus vite de sa commune…






> [A G I R ]



Semaine de la résistance du 16 au 22 février

À Toulouse : Manifestation, samedi 21 février 2015, 14 heures, square Charles de Gaulle, métro Capitole. Infos : http://21fevrier2015.noblogs.org/

À Nantes : samedi 21 février manifestation à 14h square Daviais… Rencontres, débats, lectures, concerts, pique-nique. Pendant toute la semaine. Programme détaillé sur : http://22fevrier2015.jimdo.com/

À Montreuil : samedi 14 février à 14h30, manifestation au départ du Lycée Jean Jaurès pour se rendre sur la place du Marché. Infos : http://paris.demosphere.eu/rv/37776