Bulletin Résistons Ensemble n°5 - avril 2003

Contre la guerre... ici et là - L’Europe policière est en marche... La Rumeur attaquée pour diffamation !


avril 2003


Contre la guerre... ici et là

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 5 / avril 2003


- Contre la guerre…. ici et là
- l’Europe policière est en marche…
- Outrage et rébellion
- Sont tombés sous les balles des forces de l’ordre de la République…

- [sur le vif]
La Rumeur attaquée pour diffamation !

- [chroniques de l’arbitraire]
C’est à Feurs…
à Saint-Ayber…
à Saint-Denis
à Toulon

- [agir]
Comité Justice pour Mourad - pétition



Contre la guerre…. ici et là

« Chirac, il est bien sur l’Irak, mais les charters continuent » -déclarait un jeune des quartiers de Marseille sur France-Info. On peut avoir des doutes sur la sincérité de Chirac, on peut se demander si derrière son opposition à la « coalition » qui agresse l’Irak ne se cache pas un appétit mal satisfait pour le pétrole irakien. Mais déjà, aujourd’hui, les charters d’expulsions continuent, ils vont même devenir hebdomadaires. Le gouvernement Chirac-Raffarin-Sarkozy ferme les usines, mais industrialise les expulsions. La France ne va pas à la guerre, pour le moment là-bas, mais fait sa guerre ici, chez elle. Les images de l’horreur qui s’abat sur le peuple irakien servent à ce gouvernement de paravent pour cacher sa propre horreur sociale et sécuritaire.
Comme toujours, l’offensive sociale (retraites, privatisations, régionalisation) est enrobée par une offensive policière et judiciaire. Le plan Vigipirate a été encore renforcé, contre qui ? Qui menace la France, alors qu’elle est contre la guerre ? Les sans-papiers, ou ces Roms qu’on continue à chasser de leurs pauvres caravanes, ou de leur foyers ? Un groupe hip-hop, comme « La Rumeur » qui ose dénoncer par la musique les violences policières, ce manifestant de Toulon condamné pour un jet d’œuf ou ce gardé à vue décédé dans les locaux de la douane faute de soin…. ?
Ce regain de violences policières et sécuritaires est une réponse du pouvoir à une nouvelle situation. Après des années et des années de repli, sur soi, sur son quartier, sa cité, son école…. les résistances, jusqu’ici trop isolées, commencent, petit à petit, à se retrouver ensemble. La jeunesse commence à sortir de son trou. Contre le sécuritaire, pour la Palestine, contre les expulsions des logements et du pays, pour les sans-papiers, et maintenant contre la guerre….
Ce n’est pas encore le raz-de marée, mais le sentiment qu’il faut agir et résister ensemble contre les attaques du pouvoir gagne du terrain. Et c’est déjà beaucoup.



l’Europe policière est en marche…

alors que l’Europe politique a éclaté. Désormais ce sont plusieurs pays qui organisent ensemble les charters. Une expulsion est de toute façon une violence, les brutalités policières en rajoutent. Les deux morts de Roissy n’ont pas suffit. Le Monde cite les témoignages recueillis par la Cimade : « Les Noirs ont été ligotés et bâillonnés avec du scotch, les bras et les membres inférieurs attachés. », « Les femmes n’auraient pas été épargnées. Transportées ligotées, elles auraient été "jetées dans les cars". "Ces femmes ont reçu des coups de genou dans le dos et des coups de coude dans le bas-ventre. Elles sont restées courbées en hurlant des dizaines de minutes" . Sarkozy nie ces témoignages, et présente aux journalistes une vidéo prise par la police. Malgré des « coupes et de nombreux flous », Le Monde semble accorder un crédit aux dénégations de Sarkozy. Mais la journaliste est obligée, quand même, de noter que : « A bord du véhicule, la première femme gémit, se débat. L’image, prise à travers la vitre, devient flou… Cris, sanglots, les images, le son deviennent insoutenables. »



Outrage et rébellion

On connaît déjà le flash-ball et voilà que l’on entend de plus en plus parler de l’outrage et rébellion. Délit par excellence, il semble se répandre comme une traînée de poudre. Et pour cause, cette infraction aux limites floues laisse à la justice et à son bras armé toute la subjectivité de son utilisation.
Tu oses t’élever contre l’arbitraire du contrôle d’identité que tu subis, des insultes qui te sont crachées à la face, des coups que tu reçois, tu oses porter plainte ; pas de problème, loin d’être inquiétées, les forces de l’ordre possèdent la parade infaillible, l’outrage et rébellion. Elles t’ont devancé, retournant la situation, elles portent plainte à leur tour, et, en moins de temps qu’il n’en faut pour comprendre ce qui t’arrive, tu te retrouves accusé et condamné.
Les violences policières, véritable politique d’oppression sociale, qui voudraient étouffer toutes réactions, masquer la véritable insécurité celle du chômage ou de la précarité, possèdent leur arsenal juridique les légalisant et faisant de l’outrage et rébellion une arme redoutable de l’état policier.



Sont tombés sous les balles des forces de l’ordre de la République…

le 2 mars, c’est Mourad Belmokhtar, 17 ans, près de Nîmes, le 10 mars c’est Aurélien Joux, 24 ans à Feurs, près de Montbrison, et le 13 mars c’est Nicolas Billotet, 23 ans, à Lyon. Rappelons que la peine de mort est abolie. On ne doit pas mourir en France aujourd’hui pour une simple suspicion d’atteinte aux biens. Ne va-t-on pas vers une société où les forces de l’ordre s’arrogeraient le "droit de tuer" de façon arbitraire ? Approuver leurs actes serait exposer tout un chacun à devenir une victime potentielle. L’opinion publique exige que tous les moyens soient mis en oeuvre, dans ces affaires tragiques, pour que l’action judiciaire aille jusqu’au bout et fasse connaître toute la vérité.



> sur le vif

La Rumeur attaquée pour diffamation !
Avril 2002, un magazine édité par la maison de disque accompagne la sortie de l’album du groupe de rap « La Rumeur ». Le 28 mars 2003 a lieu la 1ère audience du procès pour « délit de diffamation publique » entamé par le ministère de l’intérieur à propos de l’article « Insécurité sous la plume d’un barbare ». Hamé, auteur des lignes mises en cause, nous livre son sentiment sur cette affaire :
« Aujourd’hui pour ce qui est des rapports malheureusement très souvent sanglant avec la police et a notre détriment, on ne peut pas dire que la police tue, que sur des décennies et des décennies l’histoire des quartiers est ensanglantée part des morts par balle du fait de la police, on a pas le droit de le dire. »
« Ça se passe durant la campagne présidentielle, juste avant les élections. L’idéologie sécuritaire, ce déferlement hystérique repris par les médias, présent dans la bouche de tous les élus, est trop répandue. Le climat est à la criminalisation des quartiers populaires. C’est en réaction que j’ai écrit cet article, pour d’une certaine manière démasquer cette pensée qui ne date pas d’hier. Au XIXe siècle les idéologues bourgeois annonçaient « classe laborieuse, classe dangereuse » ; aujourd’hui ils parlent de quartiers dangereux. Quartiers dangereux ou quartiers en danger ? L’insécurité la plus dévastatrice de mon point de vue c’est l’insécurité sociale, économique, liée à des conditions de vie précaires, discrimination à l’embauche, l’instruction bâclée, au fait qu’une entreprise peut mettre 1000 personnes sur la paille avec la bénédiction des autorités. Cette insécurité là était complètement absente des débats, pas par naïveté ou méconnaissance, mais par réel but politique. Les premiers à la vivre sont justement les quartiers populaires, dans la mesure où ils sont les plus opprimés. »
Soutien : OcreEtNoir@aol.com



> chroniques de l’arbitraire

C’est à Feurs…
le 10 mars qu’Aurélien, 24 ans, a été tué par un gendarme, soupçonné d’un simple siphonnage de carburant. Comment se fait-il que le fusil était prêt à tirer quand le coup mortel est parti ? C’est devant la gendarmerie de Feurs (Loire) que le 13 mars se sont rassemblées dans la douleur et de façon très poignante, une centaine de personnes à côté des banderoles confectionnées par la famille et les amis d’Aurélien. Sont venus des membres de Témoins et de DiverCité, ainsi que des personnes de Lyon et de St Etienne. Pourquoi avoir tué un garçon si calme, objecteur de conscience qui refusait les armes. Ne faudrait-il pas les interdire à tout le monde et aussi bien à la police qu’à la gendarmerie ?

à Saint-Ayber…
le 27 février 2003, Manikkavasakar Kanavathipphillai, atteint d’hypertension, est décédé lors d’une garde à vue, suite au refus des douaniers de lui administrer les médicaments qu’il avait sur lui. Justice doit être rendue à sa famille. Une plainte a été déposée au parquet de Valenciennes.

à Saint-Denis
Droit Au Logement - Médecins du Monde - MIB - (extraits)
Le 25 mars, à l’aube, la police a expulsé une cinquantaine de Roms sans-logis d’un terrain situé rue de la Briche, à Saint-Denis (93). Criminalisées par la récente loi de sécurité intérieure, pourchassées de terrain en terrain, les familles n’ont pourtant d’autre solution, faute de propositions d’hébergement durable des Pouvoirs Publics, que de se réinstaller à chaque fois dans des caravanes, des abris de fortune ou des immeubles vacants. La pression policière est entretenue dans le but manifeste de les faire déguerpir sans procédure d’expulsion, comme le matin du 27 mars encore sur le terrain de la rue de l’Industrie à Saint-Denis, occupé par plus de 300 personnes installées là.

à Toulon
Samedi 22 mars, en fin de manifestation contre la guerre en Irak, devant un Mac Do, 2 à 3 œufs frappent chirurgicalement les vitrines. Yann, partie prenante de la salve ovipare se fait menotter par la BAC. Une partie des manifestants réagit et encercle la voiture qui doit l’amener au commissariat. Suivront convocation, garde à vue, comparution directe et verdict : 1 an avec sursis, 240h de travaux d’intérêt général, 1 euro de dommages et intérêts pour la partie civile, et 300 euros pour « rébellion et incitation à l’émeute ». Si un œuf peut entraîner de telles conséquences, on peut s’attendre à des comparutions immédiates quasi continues.



> agir

Comité Justice pour Mourad - pétition
Dans la nuit du samedi 1er au dimanche 2 mars 2003, Mourad Belmokhtar, 17 ans est abattu d’une balle dans la nuque par les forces de gendarmerie de Saint-Hyppolite du Fort (Gard). Cela est arrivé alors qu’aucun caractère de nécessité ne justifiait l’usage d’armes à feu, vu que Mourad et les deux garçons qui l’accompagnaient s’enfuyaient et qu’ils n’étaient pas armés.
Pour signer la pétition de soutien, écrire à : Comité Justice pour Mourad, 8 place Galilée, 30900 Nîmes ; ou à resistons_ensemble@yahoo.com