Gouverner c’est bétonner

Résistons Ensemble no 201 du 24 novembre 2021


24 novembre 2021


Gouverner c’est bétonner

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 201 – du 23 novembre 2021


Gouverner c’est bétonner

Les prochaines élections présidentielles, quelque soit le vainqueur, ne constitueront pas un tournant, ce sera juste une étape. La preuve ? tous les partis, de « gauche » comme de droite, soutiennent ou assistent passivement par leur inaction à tout ce qu’entreprend Macron certes déjà bien préparé par les présidents qui l’ont précédé : lois liberticides, contre le code du travail, les retraites, les immigrés, désossement des hôpitaux et de l’école… accordons leur qu’ils n’ont pas chômé. Mais Macron les surpasse : il livrera au vainqueur des élections de mars 2022, une société qu’on a rarement aussi bien bétonnée. Il vient de porter un coup décisif aux droits des chômeurs, et le prétexte de la « lutte » contre la pandémie s’ajoutant à celui de la « lutte » contre le terrorisme, il a fait du « sécuritaire » la priorité absolue de l’État, généralisant comme jamais avec l’adoption du passe « sanitaire », désormais étendu à juillet 2022, le contrôle de la population, offrant ainsi un nouveau pouvoir au patronat ,celui de priver de salaire et à terme d’emploi, les récalcitrants au contrôle covid (pour l’instant...).
Mais pour que le béton prenne il lui faut un liant. Macron vient de nous annoncer que lors de la dernière session du parlement avant les élections, une loi pluriannuelle va être votée. Celle-ci coulera dans le béton l’augmentation substantielle du budget des forces de l’ordre sur plusieurs années et aussi une pochette surprise : une mystérieuse « simplification administrative » qui assurera, on peut le parier, encore plus de liberté à la police.
Alors quel espoir nous reste-t-il ? des grondements se font entendre et des flammèches peuvent sortir et jaillir de dessous le béton.
Une grève générale contre le passe « sanitaire » et son monde met en mouvement la Guadeloupe depuis le 15 novembre, rejointe par la Martinique une semaine après, la grève continue dans les Médiathèques municipales contre le contrôle du passe, des cagnottes pour soutenir les salariés suspendus, des résistances individuelles ouvertes ou par contournement aux nouveaux pouvoirs octroyés aux patrons…
Mais les pauvres n’ont pas encore l’initiative. Loin de la.
La lumière jaune des gilets qui a fissuré le paysage bétonné il y a juste trois ans est encore soutenue par 40 % de la population.
La gestion du Covid entend jeter, chacun de nous dans son coin. Résister aujourd’hui c’est cultiver collectivement les flammèches qui nous unissent et font se craqueler le béton de l’État.



Le « Passe » qui n’a rien de « sanitaire »

on ne peut plus en douter avec le vote, le 5 novembre dernier, du projet de loi de « vigilance sanitaire » à l’Assemblée Nationale. L’Etat se voit désormais autorisé à recourir et étendre encore l’usage du « passe sanitaire » jusqu’à fin juillet 2022 ! Cet outil a pourtant servi et sert encore à limiter les droits les plus fondamentaux (circulation, réunion…) de toute une partie de la population sans même qu’il y ait eu de jugement et sur la base d’une infraction par omission (pour « n’avoir pas fait quelque chose » et non « pour en avoir fait une »), à soumettre à la surveillance généralisée l’autre partie et, depuis le 30 Août pour les personnes travaillant dans certains lieux accueillants du public (pas tous : aucune cohérence n’est exigée puisqu’il ne s’agit aucunement de protéger !) puis le 15 septembre pour le personnel soignant et les pompiers, il s’impose comme un excellent moyen de licencier des milliers de personnes. Du côté des syndicats aucun appel à la grève… Mais certains se sont tout de même engagés fermement dans la lutte : les bibliothécaires municipaux (qui, contrairement à ceux des bibliothèques universitaires ou nationales – toujours pas de cohérence –, sont contraints à présenter un passe pour travailler et à contrôler le passe de leur public) par un mouvement de grève qui continue et un refus de contrôler au quotidien, contre lequel les premières sanctions commencent à tomber. La loi votée le 5 novembre a également eu pour fonction de durcir les sanctions pour fraudes de pass : 750 euros pour avoir partagé son passe, 75 000 euros et 5ans de prison pour s’en être procuré un faux. Et il n’y aurait, en France métropolitaine, que l’extrême droite pour refuser cela ? Haut les cœurs : il faut absolument combattre le « pass sécuritaire » dans le sillage des guadeloupéens en lutte qui ont tout compris de sa logique !



> C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E

« Mon client a subi un tabassage en règle en mode Rodney King »
À Noisy-le-Grand le 17 septembre, la police intervient dans la cité du Pavé Neuf pour tapage, elle interpelle un homme de 22 ans, et l’accuse de violence et rébellion. En comparution immédiate l’histoire aurait pu se terminer par une condamnation, mais c’était sans compter sur la vidéo d’un habitant venant une nouvelle fois démentir la version policière. Immobilisé au sol par deux policiers, on y voit un agent lui donner un coup de poing et un coup de pied en plein visage. À l’audience son avocat révèle quatre témoignages et les images captées par les caméras du bailleur social. Une plainte contre le ministère public pour obstruction à la manifestation de la vérité a été déposée et une autre pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique en réunion et avec armes ». L’avocat précisant qu’à Noisy-le-Grand, depuis la relaxe d’un jeune dans une affaire impliquant des policiers, ceux-ci, échauffés, multipliaient les provocations. L’affaire a été renvoyée, mais le jeune homme toujours accusé de violence écope d’une détention provisoire avec mandat de dépôt…

À Argenteuil, on n’oublie pas, on ne pardonne pas !
C’est un 17 octobre qu’a eu lieu le massacre des algériens à Paris venus manifester contre le couvre-feu qui leur était imposé. Le disque est rayé, 60 ans après c’est encore en très grande majorité les habitants des quartiers populaires, enfants de l’immigration, que la police tue ou mutile. Olivio, Noam, Sabri… le 17 octobre 2021 les collectifs contre les violences policières et les zapatistes étaient présents sur le pont d’Argenteuil d’où des Algériens ont été jetés dans la Seine, en 1961.
Olivio
Le 17 octobre encore à Argenteuil, plus de 200 personnes participaient à une marche au départ de la gare en hommage à Olivio, 28 ans, originaire du quartier, abattu un an plus tôt jour pour jour par un policier de la BAC à Poissy (voir RE 194). Depuis le combat de la famille a permis de révéler les mensonges de la version policière, l’auteur des coups de feu a été mis en examen pour « homicide volontaire ». Facebook Lutte pour Olivio Gomes Collectif OlivVitHaut
Noam
Dans le quartier du Val-d’Argent Nord, depuis que le poste de police a été fermé en mai 2020 après avoir été la cible de projectiles et de tentatives d’incendie à la suite de la mort de Sabri (voir RE 191), des cars de CRS viennent patrouiller le quartier, provoquant les jeunes. Le samedi 6 novembre une cinquantaine d’ados de 12 à 15 ans se sont rassemblés sur la dalle : aux feux d’artifices, les forces de l’ordre répondent avec des lacrymogènes et des lanceurs de balles de défense. Noam, 13 ans, est atteint en pleine face. Blessé, il est conduit à l’hôpital tout en étant placé en garde à vue. Le lendemain le poste de police, est à nouveau la cible de tirs de mortiers d’artifice en rafale. Des affrontements entre les adolescents et les forces de l’ordre dureront toute la soirée.
Et c’était encore à Argenteuil que, seulement quelques jours après le tir de LBD sur Noam, Darmanin venait annoncer le renforcement des forces de police…

Justice et vérité pour Saïd !
Saïd ne sait ni lire ni écrire, avec de vraies difficultés pour pouvoir communiquer, il est « déficient mental ». Le 22 septembre à Marseille, station Joliette, sans-ticket, il est contrôlé par une dizaine d’agents de la RTM, le réseau de transport marseillais, qui, énervés se ruent sur lui et le plaquent au sol. « Ils étaient six environ à faire pression sur son corps », d’après un témoin ; « il ne sait pas prendre un ticket… il a dû avoir peur, il a réagi comme un enfant, il a voulu s’échapper et ils l’ont retenu » explique sa soeur. Dans la logique sécuritaire, une apparence inhabituelle est égale à un danger à mater. Ce jour là Saïd M’Hadi 37 ans est mort entre les mains des agents de la RTM. 

Marche pour Yanis
Plus de 200 personnes ont manifesté à Saint Denis le 7 novembre dernier en mémoire de Yanis mort en avril après avoir été pris en chasse par la police alors qu’il rentrait chez lui en moto. Il succombera a ses blessures après un coma de 49 jours. Depuis la famille se bat pour que la vérité soit révélée. « On veut les vidéos ! » scandaient les manifestants : la demande de la famille pour visionner les images de vidéosurveillance jalonnant le parcours, est jusqu’à présent restée lettre morte. La seule réponse des institutions aura été la répression:déjà, le 4 juin, au lendemain de sa mort, l’hommage prévu fut la cible de grenades de désencerclement et de gazage. Facebook : Justice et vérité pour Yanis

Marche pour Ibo
Un mois plus tôt, le 9 octobre, c’est la mort d’Ibrahima Bah qui rassemblait près de 250 personnes à Sarcelles. Le jeune homme est lui aussi décédé au guidon de sa moto-cross après avoir rencontré la police, c’était le 6 octobre 2019. Là encore on soupçonne la police d’être responsable, une manœuvre délibérée du fourgon de police aurait bloqué la route du jeune homme : les manifestants réclament « Ibo, on veut les vidéos ». Des dizaines de deux roues étaient aussi présents. Prise de paroles après prise de parole, se manifestent les liens tissés dans le combat entre famille endeuillées, comités « vérité et justice », soutiens… Facebook : Justice pour Ibo

Zineb Redouane, 3 ans après
Le tir de grenade lacrymogène a l’origine de la mort de Zineb Redouane est d’abord officiellement considéré comme un tir en cloche réglementaire sans que l’on puise identifier précisément son auteur, les cameras étaient en panne... Mais sous la pression des témoignages récueillis et d’une enquête indépendante mettant à mal la version policière, l’auteur du tir est identifié. Pas si réglementaire que cela, il se révèle plutôt être un tir tendu intentionnel, comme le font parfois les forces de l’ordre pour empêcher des manifestants de leur jeter des projectiles depuis une position en hauteur. L’IGPN contrainte de prendre en comptes ces nouvelles informations parle de « manque de discernement » et préconise la convocation d’un conseil de discipline, reconnaissant par là une faute professionnelle. Mais au final, aucune sanction, le patron de la police a récemment classé le dossier. Circulez y’a rien à voir…
À Marseille, 3 ans après, un appel national est lancé pour un weekend d’échanges et d’actions les 2, 3 et 4 décembre 2021. « Pour nous, continuer de faire vivre le souvenir de Zineb Redouane, c’est poursuivre la lutte contre les crimes et l’oppression policière dans les quartiers, en manif, dans nos vies. » À lire sur https://mars-infos.org/3-ans-deja-zineb-toujours-presente-6010

La police tue
N’en déplaise à Darmanin et à France Inter, Philippe Poutou, qui a lu la base de données établie par Bastamag (https://bastamag.net/webdocs/police), a raison : depuis 1977, 746 personnes sont mortes suite à une intervention policière, ce qui fait bien une moyenne de 17 décès par an, dépassée en 2019 et 2020 avec 28 décès. La logique de l’Etat français est la même que celle de l’Etat américain qui est parvenu a dissimuler 17 000 morts par la police entre 1980 et 2018 (il n’ont pas signalé 55 % des cas !) selon une enquête universitaire révélée par The Lancet : nier les faits pour couvrir ceux qui assurent leur maintien au pouvoir.

Flics racistes pris la main dans le sac
En novembre, le parquet de Bobigny a requis 4 mois de prison avec sursis pour l’un des flics qui, après avoir poursuivi un jeune homme qui avait fini par se jeter dans la Seine en avril 2020, avait échangé de sinistres plaisanteries racistes avec son collègue comme « un bicot ça ne nage pas » alors qu’ils étaient filmés (voir RE 190). Ce même mois, le tribunal d’Evreux a condamné à payer des amendes de 150 à 1000 euros, cinq flics de Rouen qui avait posté des centaines de messages racistes, sexistes et homophobes sur une boucle Whatsapp rassemblant des collègues à eux.

Nouvelle décision judiciaire contre la dématérialisation obligatoire des démarches administratives
Après le Conseil d’État qui en 2019 avait confirmé le caractère facultatif, pour l’ensemble des usagers du service public, des démarches dématérialisées et, en février 2021, le tribunal administratif de Rouen qui annulait une décision du préfet de Seine-Maritime, imposant illégalement la saisine par voie électronique de l’administration, le 28 octobre, le tribunal administratif de Cayenne en Guyane ordonne à la préfecture et au ministère de l’intérieur de permettre aux personnes de demander un titre de séjour de façon non dématérialisée. Alors l’État et le gouvernement continueront-ils à ignorer ces décisions de justice ? On peut, hélas, le parier (voir RE 198).



> A G I R

Afrique-France - Liberté pour les 7 de Montpellier !
Le 7 octobre à Montpellier, huit jeunes Africains sans-papiers ont été arrêtés sur le quai de la gare quelques heures avant le début du contre-sommet Afrique-France annoncé depuis plusieurs mois et organisé par un collectif d’organisations locales et nationales. Extrait de l’appel : https://blogs.mediapart.fr/marche-des-solidarites/blog/151021/afrique-france-liberte-pour-les-7-de-montpellier