« Vérité et justice » pour les victimes de l’État français

bulletin numéro 191 – du 15 juin 2020


15 juin 2020


« Vérité et justice » pour les victimes de l’État français

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 191 – du 15 juin 2020


« Vérité et justice » pour les victimes de l’État français

Des milliers de personnes bravant l’interdiction de se rassembler à plus de 10 personnes à Argenteuil pour Sabri et à Paris avec la marche des sans papiers du 30 mai puis, avec la manifestation monstre du 2 juin devant le Tribunal de Paris à l’appel du comité Adama, des dizaines et des dizaines de milliers dans la rue partout en France et partout dans le monde contre les violences et le racisme policiers. La priorité de ce combat est entrée dans la conscience de millions de gens.
Mais les chacals ont commencé à se jeter sur le corps tout jeune de ce mouvement.
Aux USA les démocrates essayent de faire dévier la lutte pour Floyd vers les enjeux de l’élection présidentielle, comme si l’oppression qui frappe les Noirs avait été plus douce sous la présidence du démocrate et noir Obama.
En France la gôche fouille dans les poubelles de l’histoire. En 1983 une lutte puissante, aboutissant à une marche immense « pour l’Egalite et contre le racisme » a été étouffée, transformée en une inoffensive « Marche des beurs », grâce à un manoeuvre montée de toute pièce par le « SOS racisme » du président « socialiste » Mitterrand. Le mardi 9 juin les mêmes qu’il y a 37 ans : SOS racisme, le PC, le PS, des bureaucraties syndicale nous posent le même piège en appelant à manifester pour George Floyd sans s’élever contre les violences policières en France.
Sauf qu’aujourd’hui nous sommes forts d’une nouvelle expérience : l’Etat et sa police mutile, emprisonne et tire dans le tas du moment que, noirs ou pas, on est pauvre et on relève la tête. Les 30 mutilés des GJ prouvent que violence raciste et violence sociale sortent, toutes les deux, de la bouche puante de l’Etat des riches.
Malgré les apparences, les dernières batailles perdues contre la loi travail, les réformes de l’assurance chômage, de l’éducation, des retraites, nous ont laissé des richesses. Contrairement aux espoirs du pouvoir le confinement n’a pas pu effacer les résistances nées de ces luttes collectives. Pour des millions d’habitants de ce pays la preuve a été faite que l’Etat était incapable de remplir ses fonctions élémentaires de protection : masques, médicaments, tests, lits en réanimation et soins d’hôpitaux corrects. À leur place on a eu droit au confinement punitif, aux amendes, à l’interdiction arbitraire de manifs sous prétexte d’« état d’urgence sanitaire », à des flics partout et du sang versé par la police dans les rues des quartiers populaires.
La vision de cet Etat démasqué doit maintenant nous être utile. Macron n’a pas abandonné la destruction des retraites ni des autres droits sociaux ; sous le prétexte de la pandémie, le pouvoir agit ouvertement comme une sous-commission du Medef en refilant des milliards de nos poches aux cotés en Bourse, alors que ses sbires, entraînés en banlieue et contre les GJ, fourbissent déjà leurs armes contre les millions de pauvres qui seront jetés à la rue.
Alors « Vérité et justice » pour les victimes de l’Etat français et vigilance pour nous tous !



Lumière(S) pour Sabri

La nuit du 17 mai à Argenteuil Sabri part garer son motocross chez un ami dans le quartier pavillonnaire des Coteaux, où habitent ses parents. Sa route a croisé une voiture banalisée de la BAC, rue du Trouillet, à l’endroit même où il a perdu la vie, à 18 ans. Le procureur de Pontoise s’est empressé de faire savoir que la BAC « ne poursuivait pas le conducteur – sans casque, et n’avait pas l’intention de le contrôler ». Les nuits d’après une présence policière massive a été déployée pour contrer la révolte des jeunes. 4 jours plus tard, une marche blanche silencieuse a rassemblé des milliers de personnes sous un soleil de plomb. 900 masques avaient été distribués, et tout le long du cortège, les jeunes qui l’encadraient s’efforçaient de rafraîchir les marcheurs en les aspergeant d’eau, comme l’ont fait des habitants avec leur jet d’arrosage de jardin, transformés en brumisateur ! À l’arrivée au Parc des Cerisiers, ont pris la parole, les membres de la famille de Sabri, puis des soutiens de collectifs contre les violences policières. Les avocates de la famille soulèvent les incohérences de la version policière. Le combat continue…



Histoires de « crimes de rodéos »

Le 25 mai, cinq jours après la marche « Lumière(s)pour Sabri » à Argenteuil, Castaner a annoncé un « plan d’action global » contre les « rodéos urbains » (alors même que la mort de Sabri n’a rien à voir avec un quelconque rodéo...) arguant du fait que ceux-ci auraient augmenté de 15 % pendant le confinement (en réalité, le retour des « rodéos » a surtout été un moyen de « fêter » le début du déconfinement). Pourtant, une loi datant de 2018 les punit déjà de 2 ans de prison ferme et 30000 euros d’amendes. Depuis longtemps déjà ils servent de prétexte à la répression féroce des jeunes habitants des quartiers populaires. Une recherche rapide sur le site de RE nous rappelle qu’en 2010 deux jeunes de la cité du Luth à Genevilliers ont été condamnés à 5 mois et un an de prison pour « crime de rodéo » ; qu’une intervention sous prétexte de rodéo à la cité de la Grande Borne à Grigny a occasionné une interpellation violente au cours de laquelle 4 mères de famille dont une enceinte ont été brutalisées et un jeune blessé à la main ; qu’en 2014 dans un quartier populaire de Blois, un jeune homme de 23 ans a été éborgné et un autre gravement blessé par des tirs de flashball suite à une intervention des flics venus, nous a-t-on dit là encore, interrompre un rodéo ; qu’en 2016, les flics d’Argenteuil, venus pour arrêter un rodéo, l’ont laissé passer et s’en sont pris avec force lacrymos et LBD aux habitants de la Cité Champagne : une fracture de la mâchoire par un tir de LBD et 5 jeunes en procès, y compris le blessé, pour outrage et rébellion. Presque à chaque fois, ces interventions brutales ont donné lieu à des ripostes sous forme d’affrontements avec la police. Et pour ce qui est d’alerter les jeunes sur les dangers de cette pratique (ne serait-ce que pour eux mêmes), surtout ne pas compter sur la police : en 2013, quartier de la Visite à Marseille, une baqueuse chargée de garder une moto ne résiste pas à l’attrait du rodéo et se blesse toute seule pour ensuite accuser les jeunes du quartier de l’avoir tabassée.



Violences policières racistes et anti-pauvres avant et après le confinement

Le 18 mai, des vidéos des violences policières ont pu être diffusées, forçant l’IGPN à ouvrir une enquête à Lille où des contrôles de véhicules ont donné lieu à des insultes racistes, une vitre de voiture brisée et des coups de matraques et gazages des passants. Le 23 mai, une jeune femme qui a pris la défense face à la police d’un homme sans masque sur le marché d’Aubenas a été interpellée, traînée sur des dizaines de mètres. Elle devra comparaître devant la justice en novembre. Dans la nuit du 26 mai, Gabriel, 14 ans, tente de voler un scooter. Les voisins alertent la police, Gabriel finit à l’hôpital, il a perdu trois dents et peut être un œil suite à son tabassage de rigueur (les flics soutiennent qu’il a chuté en fuyant). L’IGPN a été saisie.
Sous la pression de la colère qui gronde de plus en plus fort et partout contre les violences policières et le racisme systémique, Castaner a du ronger son frein en évoquant la situation de Gabriel et, suite aux publications du site Street Press, en approuvant l’ouverture d’une enquête sur un groupe privé Facebook créé en 2015, réservé aux forces de l’ordre et à leurs familles et comprenant 8000 membres, qui regorge d’insultes racistes, sexistes et homophobes. Avec la publication d’un rapport du défenseur des droits désignant les contrôles répétées de jeunes garçons arabes ou noirs par la police du XIIème arrondissement parisien, comme relevant de « discriminations systémiques », Castaner a du à nouveau s’exprimer le lundi 8 juin , déclarant « Je veux une tolérance zéro contre le racisme dans notre République » et annonçant que la méthode d’interpellation policière de la « prise par le cou, dite “de l’étranglement” sera abandonnée ».
Mais ce ne sont pour l’instant que des mots dont ne se contentent pas les collectifs vérité et justice qui appelent à lutter sans faiblir : appel à soutien de la part de la famille d’Angelo Garand le 4 juin alors que la Cour de Cassation devait statuer sur le pourvoi formé contre le non lieu disculpant les 2 gendarmes qui l’ont tué de 3 balles dans le thorax en 2017 ; appel à rassemblement le 9 juin, jour de l’enterrement de Georges Floyd aux USA, de la part des soutiens de Wissam El Yamni alors que la chambre d’instruction de Riom devait décider si elle forcerait la juge d’instruction à entendre les 3 témoins présents dans le couloir du commissariat le 1er janvier 2011, nuit qui a vu mourir Wissam. Ce droit de faire entendre des témoins clés a été obtenu par le collectif Adama puisque, suite à la manif monstre du 2 juin, le juge en charge de l’affaire a enfin accepté d’entendre les dernières personnes ayant vu Adama en vie en 2016 . Cela n’a pas empêché le collectif d’appeler à une nouvelle manifestation le 13 mai rassemblant, encore une fois, une foule immense et déterminée que le préfet Lallement a fait le choix d’immobiliser pendant des heures place de la République à Paris.



La vie des Rroms compte !

Pendant le mois de mai, en plein confinement et à plusieurs reprises, des cocktails Molotov ont été lancés depuis le pont de l’autoroute A 15 sur les baraques en contrebas appartenant à un campement de familles rroms installées à Argenteuil.
Le 1er et 2 mai, les débuts d’incendie ont été éteints, mais la majorité des familles terrorisées ont quitté le bidonville. Le 19 mai, 4 cocktails Molotov sont à nouveau jetés sur le campement, l’un deux atteint le groupe électrogène, ce qui déclenche une explosion, la trentaine de personnes présentes - dont 9 enfants et un bébé de 3 mois - réveillées par le veilleur s’enfuient et appellent les pompiers. Pas de victime, mais le feu a détruit l’ensemble de leurs habitations de fortune.
Ces actes criminels rappellent les violentes agressions perpétrées à l’encontre des Rroms en mars 2019, et qui s’étaient multipliées sur la base de la rumeur accusant les Rroms d’être des « voleurs d’enfants ». En période de crise sociale, les Rroms sont des boucs émissaires tout désignés : rappelons qu’eux aussi ont été les victimes d’un génocide sous le nazisme.
A l’heure où la jeunesse du monde entier se mobilise contre le racisme, nous le disons avec force : La vie des Rroms compte !



Technopolice, la réponse du gouvernement au Covid

Dès le début du confinement Orange proposait son expertise en matière de flicage, nous apprenant que 17 % des Parisiens avaient quitté la capitale.
L’usage des drones a pris une ampleur inédite avec cette crise. Un avant goût de ce qui nous attend, l’Etat a ouvert un appel d’offre de 4 millions d’euros pour doubler sa flotte. Cette nouvelle technologie qui accroît le pouvoir de surveillance de la police, se fait, de l’aveu même de la préfecture, en dehors de tout cadre juridique spécifique.
Le gouvernement prépare pour le 1er décembre prochain la centralisation de toutes les données de santé : hôpitaux, médecins, pharmaciens… la plateforme « Health Data Hub ». Elles sera gérée par Microsoft et accessible aux « partenaires privés ». Les dangers d’une telle centralisation de données personnelles ne font pas le poids face juteux marché du big data. Ainsi les données de l’APHP, censées répondre à un motif d’intérêt public, mais destinées à rejoindre cette plateforme, sont évaluées à un demi milliard d’euros.
Masques, tests, places en hôpital… la gouvernement a failli totalement, nous contraignant pour limiter la casse, au confinement. Pour faire face il aurait fallu une politique de santé publique solide, chose que les gouvernements successifs, brandissant le spectre de l’austérité, n’ont fait qu’amputer morceau par morceau. L’Etat a donc fait un autre choix, celui du sécuritaire.
Le nombre de morts s’égraine, attisant la psychose. De la peur il en faut pour que la population accepte sans broncher « l’état d’urgence sanitaire » et son lot de restrictions de libertés. La mécanique est bien rodée, souvenons nous de la réponse aux attentats terroristes et de sa législation d’exception permise par l’état d’urgence qui est en grande partie entrée dans la législation ordinaire.
Et même, on nous la fait à l’envers, faisant retomber la responsabilité de l’échec d’un retour à la normale, sur ceux qui ne se plieraient pas au jeu du traçage à tout va. Comme pour StopCovid, l’appli qui permettrait de retracer les chaînes de contamination. Mais ne nous y trompons pas, c’est la logique de la dénonciation qui prévaut ici, s’insinuer dans la sphère privée, à la manière des services de police… et pour quel résultat ? En Australie où 5 millions d’applis de ce genre ont été téléchargées, 1 seul malade à été détecté. Pas très efficace contre le Covid, mais beaucoup plus lorsqu’il s’agit de faire accepter le dépouillement des libertés individuelles, l’usage des données de masse et le flicage.



Agir

Commémoration Lamine Dieng
Organisée par Collectif Vies Volees et Collectif Angles Morts samedi 20 juin 2020 à 13 h 12 RDV Place de la République à Paris.



Maurice Rajfus n’est plus là

C’est impossible. Maurice, qui a été toujours présent, dans la rue, dans la bataille des idées, face au tribunaux, pour les palestiniens, contre les crimes de la police française sous l’Occupation comme à présent. Maurice traçait, doux avec ses amis, sans concessions face à nos ennemis. Son bulletin, « Que fait la police ? » édité pendant 25 ans, était le prédecesseur et le cousin de "Résistons ensemble".