La Covid-19 a le dos large

bulletin numero 189 du 11 avril 2020


11 avril 2020


La Covid-19 a le dos large

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 189 – du 11 avril 2020


La Covid-19 a le dos large

Non le virus n’est pas le fruit d’un complot des forces obscures, il est « naturel », possible fruit de la déforestation sauvage et du mépris pour la condition animale. Il est petit, dans une gouttelette de salive il y en a un million de ces bouts d’ADN même pas tout à fait vivants.
D’une manière incroyablement fulgurante et radicale le virus a bouleversé la Terre entière. Pourtant dans les pires hypothèses il est peu probable que le Coronavirus tue autant que les guerres, massacres, famines… dont les puissants sont directement responsables.
Le choc brutal que des milliards d’êtres humains ressentent, même dans les pays les plus riches, est du au constat que les États sont incapables d’assurer leur protection la plus élémentaire : masques, gants, lunettes, gel, respirateurs, médicaments, tout manque alors que comme le disait Martinez de la CGT, on n’a jamais manqué de balles de LBD.
Tout ce que ce monde 2.0, dont on vantait les mérites grâce aux- « réseaux », offre, c’est de reprendre les méthodes du Moyen Age, quand face à la peste et au choléra on enfermait, confinait les pauvres comme seule défense. À cette époque déjà, les riches fuyaient les villes… répandant ainsi la maladie.
Macron affirmait au début de son septennat que l’hôpital public coûtait « trop cher »… suivait la liquidation du système de santé, qui avait été aussi attaqué par la gôche. Il a envoyé ses CRS contre les infirmières en grève, rembarré les urgentistes qui prévenaient, à juste titre, de l’imminence de la catastrophe.
Oui, le Covid-19 a le dos large, comme tous les alibis. Il est ce qu’il est… contagieux, vicieux, létal, mais ne le laissons pas charger de tous les maux.
Le plus grand danger est l’agissement de cette équipe de bras cassés, cyniques, faux culs et sans pitié au pouvoir dont la seule visée est de passer d’un « état d’urgence sanitaire » à un coup d’État démocratique tout court.


Masques, tests, médicaments… mensonge, dissimulation, aveuglement

2006, 200 millions de masques FPP2 et 6000 respirateurs en stock « stratégiques » – 2011, Sarkozy décide de ne pas renouveler les stocks – 2013, Hollande décide que désormais ce sont les employeurs qui sont responsables des renouvellements. Les hôpitaux, désormais « budgétisés » épuisent leurs stocks et sont incapables de les renouveler faute de moyens.
Le 24 janvier 2020, la ministre de la santé Agnès Buzyn déclare : « Les risques de propagation du virus dans la population française sont très faibles ». On connaît la suite. L’État va aligner les mensonges pour cacher la pénurie et dissimuler son incurie. Prenons l’exemple le plus frappant, les masques. Pourtant conscient de la faiblesse de ses stocks, le ministère de la santé a décidé, malgré des alertes, de n’en commander qu’une très faible quantité, et caché cette pénurie pendant près de deux mois, au mépris de la santé des personnes. La preuve ? Fin février, le directeur général de la santé préconisait un masque pour toute personne en contact avec un porteur du virus. Un mois plus tard, la porte-parole de l’exécutif déclarait que c’était inutile… alors que 1200 personnes de l’AP-HP sont déjà contaminées. Des personnels soignants continuent en effet à travailler sans ces masques protecteurs, faute de stocks, alors que des entreprises dans des secteurs « non essentiels », comme Airbus, ont continué à les consommer pour ne pas priver de profit leurs actionnaires.
Mi-mars,Les élections ont eu lieu et le confinement est déclaré.
Début avril, le gouvernement tente désormais de renflouer les stocks, il parle d’une commande d’un milliard de masque à la Chine. Macron vante la mobilisation d’usines françaises, dont la production est passée de 3,5 à 8 millions de masques par semaine, avec l’objectif de grimper à 10 millions « fin avril », et même 15 millions grâce à l’aide de « nouveaux acteurs ». Soit un tiers seulement de la consommation actuelle, elle-même insuffisante, ne serait-ce que dans les établissements de santé.
Aujourd’hui le discours du pouvoir tourne de 180 degrés : maintenant, le masque est fortement conseillé et en passe de devenir obligatoire. Alors que la pénurie continue. En avant pour la fabrication des masques « alternatifs » cache misère de seconde zone.
Parler de déconfinement dans cette situation relève de l’enfumage.


Etat d’urgence sanitaire contre Etat de droit

Forts de l’expérience de l’état d’urgence post attentats de 2015, dont les mesures principales sont entrées dans le droit commun en 2017, de nombreuses voix s’élèvent contre la loi d’urgence sanitaire, qui sous couvert de mesures de protection de la population contre le virus – certes nécessaires et non contestées – dérive sans contre-pouvoirs, vers la mise en place d’un système de surveillance de masse de la population. Votée dans l’urgence au mépris des délais et des conditions imposés par la Constitution, elle prolonge ainsi le délai de l’état d’urgence de 12 jours à un mois.
L’exécutif, gouverne par ordonnances, se soustrait au contrôle parlementaire et à la justice, et accroît le contrôle et la répression sur la population par les préfets et les municipalités.
Audiences avec un juge au lieu de trois, détenu entendu par visioconférence ou au téléphone, les délais maximums de détention provisoire prolongés de 2, 3, ou 6 mois. De 2 à 4 mois pour les personnes en attente de comparution immédiate. L’avocat n’a même plus son mot à dire. Des prévenus se retrouvent en prison sans même l’intervention d’un juge.
À l’occasion de « la guerre » contre le virus, l’État met en lieu et place d’une politique sanitaire,une politique sécuritaire dotée d’outils technologiques limitant les libertés individuelles. Exemple, le ministère de l’intérieur a déployé une application pour générer des attestations de déplacement pour vérifier les codes QR. Et, en s’appuyant sur les pratiques de la Corée du Sud, le gouvernement prépare la population à accepter le traçage numérique, avec une argumentation machiavélique qui transfère la responsabilité de la solution de la crise sur les individus et leur comportement. Ainsi, chaque citoyen qui se soumet à cette surveillance, et renonce volontairement à la défense de sa liberté et de sa vie privée, agit « en responsabilité » pour résoudre la crise, et vaincre le Covid-19.
L’ordonnance du 25 mars pourrait être appliquée jusqu’en avril 2021, car on évoque le risque d’une deuxième pandémie.
Macron a qualifié, le 31 mars, d’« irresponsables » ceux qui, par leurs critiques , « cherchent déjà à faire des procès, alors que nous n’avons pas gagné la guerre ». Ce à quoi répond Malik Salemkour, Président de la LDH : « La rhétorique de guerre induit l’existence d’ennemis de la République. Contester, c’était, hier, se montrer complices des terroristes  ; aujourd’hui, c’est être du côté du virus  ! »


Quasi égaux face au virus mais plus que jamais inégaux dans le confinement

Au XVème siècle en Europe occidentale, alors que la mort était partout avec, outre les guerres et les famines, les épidémies de peste qui, en un siècle, ont décimé plus d’un tiers de la population, de très nombreuses églises arboraient des fresques d’une espèce très particulière : les « Danses Macabres ». On y voyait des hommes et femmes de tout âge et de toute classe sociale, de l’enfant au vieillard, du pape ou de l’empereur au laboureur ou à l’ermite, entraînés dans une danse vers la mort par des « transis », cadavres nus et desséchés, entre le squelette et la momie. Cette vision terrifiante rappelait sans cesse à chacun que la mort et la maladie n’épargnent personne.
C’est la même chose avec le coronavirus, il n’a pas de couleur, ni de sexe, ni de statut social comme le montrent ces maires, ministres voire chefs d’Etat infectés. Par contre avec le confinement, on a vite vu exploser les inégalités.
D’abord, dans l’éducation nationale, où, malgré les mensonges de Blanquer assurant que seuls 8% des élèves n’avaient pas accès aux cours en ligne, les professeurs enseignant dans les quartiers populaires ont constaté que très peu d’élèves avaient réellement accès à une connexion internet, qu’encore moins disposaient d’un ordinateur.
Ces même élèves avaient souvent pour parents des caissières, femmes de ménage, ouvriers qui continuent de travailler. Question protection : pas de masques, de gel, de gants et on leur refuse l’exercice du droit de retrait. Beaucoup font partie des victimes du virus comme Aïcha Issadoumène, caissière chez Carrefour à Saint Denis ou encore Patrick, 44 ans, infirmier psychiatre à Montreuil. Le décompte est impossible car contrairement aux puissants et aux riches, eux ne sont pas systématiquement dépistés.
Le confinement chez soi n’est pas le même en HLM ou sur l’île de Ré, et devient un pur cauchemar quand on n’a pas de « chez soi » comme les habitants des foyers de travailleurs et plus encore ceux des squats et des bidonvilles. Quand l’État agit c’est pour expulser des foyers les quelques habitants clandestins, comme dans ce foyer Adoma de Boulogne Billancourt. Heureusement, la solidarité s’organise du côté des habitants pour leur apporter de l’aide notamment à Montreuil avec les ex du foyer Baras, et au campement Rrom d’Argenteuil.
Même chose en pire pour les sans papiers des centres de rétention, qui crient leur détresse comme les retenus en grève de la faim au Mesnil-Amelot : ils sont enfermés dans des conditions sanitaires innommables, privés de parloir et d’aide extérieure. Des militants ont appelé à harceler les préfectures en saturant leurs adresses mails pour réclamer la libération des retenus et la fermeture des centres.
L’État ne se soucie pas non plus des prisonniers privés de visite, de promenade et d’activité, proies toutes désignées du virus. Aux alentours de la prison de la Santé, les passants entendent leur cris d’appel à l’aide et des mutineries désespérées ont déjà eu lieu. Des associations ont demandé au Conseil d’Etat de libérer tous ceux qui ne représentent pas une menace immédiate à la sécurité publique : gageons qu’alors les prisons seraient quasi vides.
Quant aux personnes âgées vivant dans les EPHAD, le scandale est en cours : on apprend au compte goutte que des milliers d’entre elles sont mortes sans même que la porte des hôpitaux ne leur ait été ouverte. Les travailleurs qui les assistent ont été privés d’équipements adaptés et ce sont fait les vecteurs involontaires du virus assassin.
Alors, les banderoles pendues aux balcons et sur les murs des habitations des confinés joueront-elles le rôle de ces fresques qu’il faudrait peindre aujourd’hui pour que la réaction soit à la hauteur de la catastrophe, en révolutionnant de fond en comble l’ordre établi ?


Double peine

« Nous sommes en guerre » lançait Macron le 16 mars, annonçant des mesures strictes de confinement dans toute la France. Taper fort pour mieux justifier des logiques liberticides, pour mieux masquer les manquements d’un gouvernement qui paye sa politique de casse du service de santé publique. Nice, Montpellier, Perpignan, Béziers… des dizaines de villes instaurent un couvre feu, les drones sont de sortie.
Virus ou pas virus, les logiques sociales qui prévalaient n’ont pas changé. Les premiers touchés, comme toujours, sont les populations dans la plus grande précarité (sdf, Rroms, migrants…), et celles des quartiers populaire, souvent issues de l’immigration… A la fracture sociale exacerbée par la crise sanitaire, le gouvernement répond par la répression : double peine pour les plus démunis.
Le lendemain de l’augmentation à 135 € de l’amende pour non respect du confinement, les CRS promettaient « à partir d’aujourd’hui nous montons en puissance pour saturer le terrain. » Pas étonnant que sur la première journée 10% des amendes en France aient été dressées en Seine-Saint-Denis, c’est là, comme dans tous les quartiers populaires de France, qu’ont lieu les contrôles… et la violence qui va avec.
Sur la première journée 10% des amendes en France aient été dressées en Seine-Saint-Denis, c’est là, comme dans tous les quartiers populaires de France, qu’ont lieu les contrôles... et la violence qui va avec.
Le 19 mars dans l’après-midi à Aubervilliers quartier de la Mala, Ramatoulaye, 19 ans, accompagnée de son petit frère de sept ans, sort faire des courses pour nourrir son bébé. Une patrouille de police décide de contrôler son attestation. Elle en a une version manuscrite, le taxiphone était fermé. Le ton monte, « tout de suite, ils se mettent à m’insulter devant mon petit frère ». Seule face à 8 policiers, ne montrant aucune violence à leur encontre, elle reçoit un coup de taser à la poitrine. Elle recevra d’autres coups, insultes dans le camion vers le commissariat ou elle passera une heure en cellule avant d’être relâchée. Voir www.youtube.com/watch?v=wh7kE4QFNaM
Le 24 mars aux Ulis (Essonne) Sofiane, 21 ans, agent logistique chez Amazon, fait le trajet, 500 m, entre le domicile de son père et celui de sa mère avant de se rendre à son travail. Il n’a pas d’attestation, alors lorsqu’il voit la police, il essaye d’esquiver. Un agent de la BAC le rattrape, puis d’autres. Plaqué au sol il prend plusieurs coups avant d’être conduit sous un porche et tabassé à l’abri des regards. Mauvais calcul, des habitants du quartier ont tout filmé : https://www.youtube.com/watch?v=Jkk0aQLEml8
À Chanteloup, quartier de la Noé, le soir du 4 avril, la police intervient pour non respect du confinement suite à une dénonciation anonyme, des jeunes circuleraient à moto, qui plus est volée. En arrivant ils interpellent un jeune à deux roues. L’intervention ne passe pas, des projectiles pleuvent sur les flics qui ripostent : 14 tirs de LBD et un tir de lanceur cougar. Au poste, après vérification il apparaît que la moto n’a pas été volée, mais les flics ont quitté les lieux sans même se rendre compte qu’une fillette de 5 ans a été gravement blessé par un projectile. Une balle de LDB a été retrouvée à côté d’elle. Fracture du crâne, elle est conduite à l’hôpital entre la vie et la mort. Et le procureur, mépris total, reporte la faute sur les habitants qui « ne respectent pas les règles de confinement à leurs risques et périls, et au détriment de ceux qui les entourent ». Onze voitures ont été incendiées dans la nuit.
Premier mort aux mains de la police de l’état d’urgence sanitaire, à Béziers, ville de Robert Ménard : un SDF, de 34 ans, interpellé après l’heure du couvre-feu, mennoté par plaquage ventral, embarqué dans le fourgon sur la ventre avec un policier assis sur lui… mort à l’arrivée au Commissariat.


Olivier est parti

À 58 ans. C’est le crabe qui l’a emporté. C’était un militant. Pas le genre « regardez-moi ». Déterminé et tenace. Les prisonniers n’oublieront pas sa lutte dans l’Envolée sur FPP et sur papier (lenvolee.net). Nous tous non plus, amis et camarades, l’homme avec son sourire chaleureux.