« Société de vigilance » – le piège raciste

bulletin numero 185 – du 22 octobre 2019


22 octobre 2019


« Société de vigilance » – le piège raciste

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 185 – du 22 octobre 2019


« Société de vigilance » – le piège raciste

En 1941, Paris est occupé par les troupes nazies. Une exposition est organisée sur le thème : « Comment reconnaître le Juif ? » Pour les racistes c’est simple. Il suffit de bien observer : nez crochu, barbe, doigt griffus, cheveux sales, châle de prière… On connaît la suite.
En 2019, Macron, dans la cour de la Préfecture de police, lance la construction d’une « société de vigilance ». Pas la vigilance contre les patrons escrocs, les fonds de pensions…. qui sèment la misère. Pour Macron il s’agit de transformer tout le monde en flic à « détecter » l’islamisme radical.
Désormais les chiens sont lâchés. Ils cherchent les terroristes mais ils tombent sur la femme voilée qui veut, tout à fait légalement, accompagner son enfant en sortie scolaire et l’agressent. À l’Université de Cergy-Pontoise, une fiche est adressée à l’ensemble du personnel et leur demande de signaler des collègues ou des étudiants présentant les signes dûment listés : « le port d’un pantalon dont les jambes s’arrêtent à mi-mollet », « le port de la barbe sans moustache », « l’arrêt de consommation de boissons alcoolisées », « la consommation récente de produits hallal » ou encore « un intérêt reconnu pour la religion ».
Sous prétexte de lutter contre l’islamisme radical, c’est l’islamophobie, c’est le racisme et la xénophobie qui sont réactivés avec une rare violence : les déclarations tonitruantes s’accompagnent de nouvelles mesures pour priver les sans papiers d’aide médicale et les expulsions massives continuent alors que les luttes s’embrasent dans les centres de rétention.
Heureusement, ça ne se passe plus exactement comme avant. Macron et toute la classe politique sont affaiblis, leurs références à la « République » tombent à plat par la colère qui gronde. Les gens ont vite vu la manœuvre de diversion. Les responsables ont du s’excuser auprès de la maman exclue du conseil régional, le questionnaire de dénonciation de Cergy a dû être retiré, et Blanquer, ministre soi disant préféré des français, pour qui « le port du voile n’est pas souhaitable » et les petits garçons qui « ne veulent s’asseoir sur des chaises de couleur rouge » ou « donner la main à des petites filles » doivent être dénoncés, chute dans le sondages.
Est-ce qu’une exposition, semblable à celle de 1941, genre « Comment reconnaître le dangereux musulman ? » serait encore possible ? Mohamed « barbu sans moustache » et François au « pantalon trop court » organisateurs d’une grève pourraient alors être persécutés, accusés, par le pouvoir paniqué, de nuire à l’intérêt national, d’être « anti-français », d’être des « terroristes ».
Bien sûr que oui. Les possédants sont capables de retenter le coup.
Mais si la lutte des GJ, des grévistes, des sans-papiers, des chômeurs, des jeunes, des paysans pauvres, des professeurs, des hospitaliers, si le tous ensemble, prend… l’arme du racisme ne fonctionnera plus.



Christine Renon, on n’oublie pas
Le travail tue. Les suicides dans l’éducation nationale sont très rarement reconnus comme des accidents du travail, c’est-à-dire comme dus aux conditions de travail et à la violence institutionnelle. C’est de cette reconnaissance dont voulait s’assurer Christine Renon, directrice d’école à Pantin. D’abord en choisissant de se suicider sur son lieu de travail. Ensuite en rédigeant une lettre-tract qui accuse clairement l’institution, identifiant les causes de son acte : la gestion managériale, la surcharge de travail due aux réformes, le manque de moyens et l’état d’abandon dans lequel sont laissés les personnels. À la fin de cette lettre, elle prend soin de remercier ses collègues, les élèves et les parents et demande à l’institution de « ne pas salir son nom ». Mais, le ministre Blanquer et ses bras droits sont nés avant la honte. Le lundi 23 septembre, à peine son corps a été découvert que les inspecteurs se sont empressés de faire pression sur tous les destinataires de la lettre, exigeant d’eux qu’ils ne la rendent pas publique ni ne s’expriment sur le sujet. Il a fallu attendre une semaine et le rassemblement très déterminé, sous les fenêtres des bureaux de la DSDEN 93 à Bobigny, de milliers de personnels, de parents et d’élèves, pour que le ministre daigne s’exprimer assurant que « nous sommes tous dans le même bateau ». D’un cynisme absolu, le bourreau entend se confondre avec la victime. Autre stratégie semblable à celle que le pouvoir utilise en cas de violences policières : le suicide de Christine Renom serait du à sa fragilité psychologique, à son manque de lucidité (elle serait « très investie, trop investie ») et l’inspection académique soutient face aux représentants syndicaux « qu’il n’y avait aucune remise en cause de la hiérarchie dans le courrier de Christine Renon ». D’autres suicides ont suivi celui de Christine, un peu comme d’autres immolations avaient suivi celle du vendeur ambulant tunisien, Mohamed Bouazizi, en 2011. Alors, à quand la révolution ?



> C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E

Échec du proviseur-gendarme du lycée Utrillo à Stains
Sa présence au sein de ce lycée (voir RE 177) n’a pas empêché qu’un élève soit frappé à coups de marteau en plein milieu de la cour de l’établissement. Comme aux Lilas (où un lycéen de 15 ans a été poignardé à mort), à Saint Denis, Epinay-sur Seine ou à Osny, Taverny, et Sarcelles, la responsabilité pour toutes ces terribles violences incombe finalement au pouvoir en place : ce sont, comme ne cessent de le dénoncer professeurs, élèves et parents mobilisés depuis des années maintenant, le manque de moyens humains et matériels et le vide pédagogique des « réformes » qui sont ici en cause.

Répression du mouvement GJ
L’acte 45 des GJ qui s’est déroulé à Paris le 21 septembre et qui prévoyait une jonction avec la manifestation sur le climat a été étouffé dans l’œuf du fait d’un dispositif policier sans précédent : plus de 7500 policiers et gendarmes autorisés par l’interdiction préfectorale de tout rassemblement statique, à contrôler et verbaliser à tour de bras dès le matin. Une centaine de personnes ont été interpellées au seul motif qu’elles s’enfuyaient et ont été gardées à vue dans des conditions particulièrement dégradantes.
Le site bastamag.net a publié un second état des lieux sur le traitement judiciaire du mouvement depuis ses débuts : 3000 condamnations ont été prononcées dont 1000 ont donné lieu à des peines d’emprisonnement ferme ; la principal motif d’inculpation ont été les violences contre les forces de l’ordre et les dégradations le plus souvent à partir de la seule parole de la police ; les premières condamnations pour dissimulation du visage ont eu lieu mais le plus souvent cet acte a été utilisé pour interpeller ou convoquer des personnes les empêchant de ce fait de manifester. Par contre toujours aucune poursuite de policiers alors que l’IGPN a été saisie de 313 enquêtes pour suspicions de violences policières.Autre moyen dissuasif employé par l’Etat : les 135 euros d’amendes pour manifestation non autorisée, un modèle de contestation de cette contravention a été produit par la coordination anti répression d’IDF, on peut se le procurer en les contactant via leur mail stoprepression@riseup.net ou téléphone 0752957111.

Henri, on n’oublie pas
Ce 28 septembre 2019 à Fouquières-les-Lens (62), cela faisait exactement un an que Henri, un membre des gens du voyage a été abattu, d’une balle dans la nuque à bout portant, par un gendarme d’une antenne du GIGN. Henri n’avait aucune arme et il laisse 2 petites filles.150 personnes ont participé à une marche blanche très émouvante pour dire qu’on n’oublie pas et qu’on exige la justice.

L’histoire bégaie
Le 6 octobre à Villiers-le-Bel, la police procède à une interpellation, lorsque Ibrahim à moto, arrive à leur hauteur. La police affirme avoir demandé au jeune homme de ralentir, il serait alors monté sur le trottoir, accélérant, avant de perdre le contrôle du véhicule et de chuter mortellement. Pourtant, le témoignage du conducteur du véhicule suivant la moto est tout autre : elle est entrée en collision avec un fourgon de police qui s’est « déporté très rapidement » sur le chemin du jeune homme. « J’ai dit aux policiers qu’ils avaient fait un truc de fou, […] C’est là qu’un policier m’a attrapé par le col et m’a poussé ». Il est contraint de remonter dans son véhicule. D’autres témoignages confirment la volonté des policiers de bloquer la route de la moto à l’aide du fourgon, sans confirmer le choc. Le soir même le préfet du Val-d’Oise affirmait aussi dans un communiqué que la moto d’Ibrahima était « signalée volée » alors que c’est faux.
Ibrahima, aussi surnommé Ibou, aurait eu 23 ans le 29 octobre. Une semaine après, une manifestation regroupant 300 personnes et 100 motos a bloqué la D 316 en son hommage. Une information judiciaire a été ouverte. La famille a réclamé le rapport d’autopsie et les images des cameras de vidéosurveillance.
C’était aussi à Villiers-le-bel en 2007, le 25 novembre, que deux adolescents circulant en mini-moto, Lakhami et Moushin, perdaient la vie, percutés par un véhicule de police. Après Zyed Benna, Bouna Traoré, Eric Blaise, Vilhelm Covaci, Lamine Dieng… et combien d’autre, morts d’avoir croisé la route de la police… la colère des habitants de ce quartier populaire éclatait dans trois nuits de révolte. Emeute restée dans les mémoires pour la centaine de policiers blessés, notamment par des tirs de chevrotine. La réponse judiciaire sonna alors comme une vengeance d’Etat, condamnant à des peine lourdes – de 3 à 15 ans de prison ferme – cinq jeunes accusés d’y avoir pris part, sur la simple base de témoignages « sous X » obtenus contre promesse de rémunération.

La vendetta de l’État contre la famille d’Adama Traoré continue
Après avoir été victime d’une plainte des gendarmes pour « diffamation » (elle a « osé » publier les noms des gendarmes entre les mains desquelles son frère est mort étouffé en 2016), une deuxième plainte vise Assa Traoré déposée par la maire de Beaumont sur Oise. Sous le prétexte bidon de ne pas avoir organisé dans les régles un évènement sportif en avril 2018 à la mémoire de son frère dans son quartier.
« Le traitement d’exception fait aux habitants des quartiers populaires depuis des années est un thermomètre pour mesurer l’autoritarisme sans limite de l’Etat. Tous les secteurs en lutte pour la justice et l’égalité seront touchés s’il n’y a pas de réaction collective contre la dérive autoritaire. »
Justice Pour Adama ! Sans justice, vous n’aurez jamais la paix ! » (Extraits du communiqué du 14 octobre du Comité Adama).
Pour soutenir la famille Traoré https://www.okpal.com/adama-traore

Préparons nous à faire la grimace
Le ministère de l’intérieur s’apprête à activer Alicem, un système d’identification par reconnaissance faciale (notamment via smartphones) garantissant l’accès à différents services publics et privés. Le gouvernement souhaite mettre en place une identité numérique dans le but de supprimer tout idée d’anonymat particulièrement sur Internet. Une première en Europe. Impôt, sécu, chômage, banque ou assurance… fini le cryptage par mot de passe, la biométrie sera l’unique moyen d’identification, « aucune autre alternative n’est prévue », comme le déplore la CNIL dans son avis.
Cette technologie peut aussi être couplée à la vidéosurveillance, comme l’a expérimenté Estrosi, le maire de Nice, lors du carnal début 2019. Il projette aussi d’identifier les passagers du tramway dont le comportement serait «  suspect  ». Mais qu’est-ce qui définit un comportement suspect (voir édito) ? Un nouveau cran est franchit dans une société basée sur le contrôle, que l’on finit par intérioriser, ajustant notre comportement sous l’oeil de la camera. Tout le monde est suspect, à chacun de prouver son innocence en soumettant son visage à l’identification, revêtant la grimace de l’innocence, celle qui nous fera passer entre les algorithmes.

« Que l’État se tienne sage, car notre solidarité est une arme ! »
Le 28 Septembre Ian B, membre du collectif Désarmons-les est invité à Montpellier à une conférence-débat sur les armements et l’histoire du maintien de l’ordre, mais aussi à une rencontre des observatoires des violences policières initiées entre autres par la Ligue des Droits de l’Homme. Dans l’après midi il se rend à la manifestation des GJ où il retrouve des observateurs de la LDH. Lorsque la manif passe près d’un centre commercial, une tentative d’intrusion est violemment repoussée par les forces de l’ordre. La LDH filme la scène, Ian B conteste verbalement cette charge aléatoire et violente. Il est violemment plaqué au sol par un policier et passera 39 heures en GAV.
Accusé de violence et outrage, son passif militant aidant, l’accusation est requalifiée en « participation à un groupement en vue de commettre des violences » une fois son identité relevée par l’OPJ. Son procès est renvoyé au 28 octobre, entre temps IanB est soumis à un contrôle judiciaire, impliquant une interdiction de se rendre dans l’Hérault et une interdiction de participer à une manifestation sur tout le territoire national. Solidarité ! Infos : https://desarmons.net/

La police porte plainte contre Nourdine postier du 92
Le 5 juillet 2018, celui-ci participe à un rassemblement appelé par le comité justice pour Adama, il est tiré de la nasse par 5 flics. Un CRS lui enfonce les doigts dans les yeux et il est ensuite placé en GAV pendant 18H. Sa plainte a été classée sans suites. Le 21 septembre dernier, c’est le monde à l’envers, il est à nouveau interpellé et déféré au parquet de Paris : l’un des flics auteurs des violences en 2018 a porté plainte contre lui pour menaces. Affaire à suivre.



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Conseils à l’attention des personnes blessé.es par la police et leurs proches
Désarmons-les publie un guide à lire sur leur site https://desarmons.net/