Sommes-nous tous des hongkongais ?

bulletin numero 184 – du 16 septembre 2019


16 septembre 2019


Sommes-nous tous des hongkongais ?

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 184 – du 16 septembre 2019


Sommes-nous tous des hongkongais ?

Depuis le 31 mars, des centaines de milliers, parfois des millions de personnes manifestent à Hong Kong, pour la démocratie, contre les violences policières, pour l’amnistie des condamnés. Comment ne pas se retrouver dans cette lutte massive, auto-organisée, démocratique, si semblable à celle des GJ ?
En dépit de la radicalité du mouvement et de la nature autoritaire du régime chinois, à Hong Kong, les tirs policiers n’ont éborgné qu’« une seule » personne, alors qu’en France, « patrie des droits de l’homme », depuis les débuts des GJ, 24 manifestants ont perdu un œil et 5 mains ont été arrachées, sans parler des centaines de blessés graves et de la mort Zineb Redouane. Bien entendu, on ne peut prévoir les réactions futures de Pékin, mais pour le moment, la violence étatique en France dépasse donc largement celle du régime dictatorial de Pékin.
Ce fait indéniable est pourtant ignoré par le pouvoir français : ceux qui commandent les fusils LBD et les grenades, qui emprisonnent à tour de bras se disent « scandalisés » par la répression de Pékin mais mentent éhontément afin de camoufler leurs propres crimes. Une vingtaine de députés macronistes déplorent les répressions contre « ces houles émancipatrices » et demandent de « mettre fin à l’escalade de la violence » tandis que le chef d’orchestre Macron, s’entête à nier l’existence même des blessures « irréparables » subies par les GJ, et, quant aux morts, Zineb Redouane et Steve Caniço, se contente d’ânonner que les « enquêtes continuent ».
Cet été, Blanquer, le ministre de l’éducation, enhardi par les mensonges de son maître, bafoue le droit de grève des professeurs en falsifiant les résultats du BAC et en promettant des punitions illégales à ceux qui ont osé protester contre ses « réformes » . Hidalgo et Macron, chacun selon ses ambitions politiques propres, nient l’empoisonnement par le plomb après l’incendie de Notre Dame.
Côté « justice », trois jeunes allemands sont condamnés par le tribunal de Cherbourg à 2 et 3 mois de prison ferme (avec mise en détention immédiate !), pour, tenez-vous bien, détention de « livres d’extrême gauche » dans leur voiture. La police n’est pas en reste : elle envoie ses infiltrés et ses indics provocateurs, ses « taupes », au sein des mobilisations pour dénoncer des militants et semer le désordre.
Le pouvoir et ses partis célèbrent ces jours-ci, avec de lourds tremolos dans la voix, le 30eme anniversaire de la chute du mur de Berlin, taisant, bien sûr, que ce régime autoritaire est tombé sous la poussée de l’action des masses est-allemandes, faisant comme s’il s’agissait de la « victoire de la démocratie occidentale » sur les régimes dictatoriaux de l’Est. La situation actuelle prouve qu’il n’en est rien. Au contraire, face au mouvement social, Macron et C° s’inspirent des méthodes honnies des pires dictatures policières et voudraient encore passer pour les meilleurs des démocrates. Nous ne cesserons pas de les dénoncer.




G7, opulence sécuritaire

Du 24 au 26 août, c’est à Biarritz que les chefs d’États des 7 pays les plus riches ont rendez-vous. Des colonnes de berlines noires tracent dans une ville bunkerisée pour défendre quoi ? Le système économique qui organise pauvreté, racisme et pollution au nom de toujours plus de rentabilité et peu importe si l’on meurt noyé en traversant la méditerranée, sous les balles de la police ou empoisonné à l’amiante.
Rien ne doit troubler la fête : face à la contestation, il fallait un arsenal de répression hors du commun : des caméras de surveillance ultra précises, 13 000 hommes, une ville cloisonnée, un centre de rétention vidé pour pouvoir accueillir et auditionner les interpellés, trois salles de tribunal réservées en prévision du flot de comparutions immédiates… Une indic infiltrée a même été débusquée sur le campement d’Urrugne… (https://iaata.info/A-propos-de-la-flic-infiltree-debusquee-au-contre-sommet-du-G7-3547.html)
Bilan : 160 interpellations et une centaine de gardes à vues (https://g7borroka.info/bilan-antirep/) dont la grande majorité ont abouti à des remises en liberté parfois avec « rappel à la loi » mais ont quasi toutes été prolongées de 24 h, autrement dit : interdit de manifester. 6 personnes ont tout de même été emprisonnées dont 3 jeunes allemands de 18 à 22 ans, arrêtés juste avant le G7 (voir édito) qui étaient fichés en Allemagne pour leur « appartenance à des mouvements d’extrême gauche » sans jamais avoir été condamnés. La « littérature gauchiste » trouvée dans leur véhicule par la police française, leur a valu 2 et 3 mois de prison ferme pour « participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre les personnes ou de destructions ou dégradations de biens ».
Un peu plus tôt cet été Vincenzo Vecchi était arrêté en Bretagne où il vit depuis 8 ans. Son histoire fait un drôle d’écho à l’actualité du G7. Il est sous le coup d’un mandat d’arrêt européen pour dommages causés à des biens lors du G8 de Gênes en 2001 et pour une manifestation anti-fasciste non autorisée à Milan en 2006. Il a été condamné en Italie à 12 année de prison, en vertu d’une loi votée en 1930 sous Mussolini permettant de sanctionner la simple présence à des manifestations considérées comme insurrectionnelles. Voilà comment Vincenzo et neuf autres militants, baptisés les « dix de Gênes », ont écopé de peines allant de huit à quinze ans de prison. En 2001, l’extrême violence des force de l’ordre (interpellés torturés, 600 blessés et Carlo Giuliani tué d’une balle dans la tête par les policiers) est, quant à elle, restée impunie. Aujourd’hui Vincenzo Vecchi attend en prison, le tribunal devant se prononcer sur la légalité des mandats. Ni prison, ni extradition, libérez Vincenzo ! Infos : comite-soutien-vincenzo.org




> C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E

Le courage des sans-papiers enfermés ou pas
Depuis que la durée de rétention dans les CRA s’est étendue à 3 mois, les luttes des emprisonnés ne cessent pas, elles sont à la mesure de l’extrême maltraitance qu’ils subissent de la part des agents de la PAF. Mi juillet, aux CRA de Vincennes, Palaiseau et Mesnil Amelot, grèves de la faim, actions de protestations individuelles ou collectives ont été journalières et en face, toujours la même réponse : provocations, insultes, agressions, tabassages et gazages. Au point où la Cimade a exercé son droit de retrait se retirant du Mesnil Amelot pendant 3 jours. Mi Août, au CRA de Lyon, afin de protester contre un matraquage (filmé) organisé par les flics après avoir éteint les feux à 22 , les retenus ont refusé de manger : ils ont été gazés et parqués dans une cage de la cour ; l’un d’entre eux a mis le feu sous son matelas : il a été condamné à 3 mois de prison ferme sans que la juge ne prenne aucunement en compte le contexte. Le 19 Août, un prisonnier du CRA de Vincennes est retrouvé mort dans sa cellule. Version des flics et des médias : c’est un accident, une overdose médicamenteuse. Comment y croire quand on sait que l’entrée dans un CRA suppose que toutes les possessions des sans-papiers soient saisies et enfermées dans un coffre, que les suicides et tentatives de suicides y sont très fréquentes et qu’à peine quelques jours plus tard, dans ce même CRA, un vieux prisonnier a fait une crise cardiaque et que les flics ont tardé à appeler les secours préférant se moquer de lui, à terre ?
Dehors, la répression et la violence restent le lot quotidien des migrants et sans-papiers. La mairie de Paris continue de « nettoyer » ses rues en évacuant les campements de migrants à tour de bras. Porte de la Chapelle, on a pleuré trois morts en quelques jours, le dernier, un jeune africain dont le nom est resté inconnu, s’est suicidé en se pendant à un arbre du square Charles Hermitte.
Certains trouvent la force de continuer à lutter pour leur droit à la dignité et se heurtent encore à la répression. C’est le cas des Gilets Noirs, mouvement né en novembre 2018 « contre le racisme, pour des papiers et des logements pour toutes et tous » dont les membres ont occupé , le 12 juillet pendant plusieurs heures, le Panthéon. Malgré les promesses du commissaire Marsan qui avait négocié avec eux une sortie dans le calme, ils ont été chargés, nassés, tabassés et quinze d’entre eux ont été enfermés au CRA de Vincennes. Mais grâce à la force de la mobilisation, tous ont été libérés : « on pardonne pas, on oublie pas… mais on a gagné ».
Le collectif Délinquants solidaires rend public un nouvel outil intitulé « Délit de solidarité : le guide », à lire sur http://www.delinquantssolidaires.org/

Viol de Théo
Le 21 Août , une expertise médicale remet en cause la thèse jusque là retenue selon laquelle le coup de matraque des flics aurait heurté « la bordure de l’anus » sans le pénétrer. Selon cette expertise, Théo souffre d’une « incontinence active » causée par son interpellation d’il y a deux ans et demi à Aulnay-sous-Bois, il a besoin d’un « suivi médical à vie » et il n’est pas garanti que ses symptômes ne s’aggravent pas encore. La juge d’instruction fera-t-elle son travail en retenant la qualification de « violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente » qui coûterait aux quatre responsables, un procès aux assises et le risque d’une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de détention ? En attendant , Théo reste cloîtré chez ses parents, il passe ses journées et ses nuits devant la télé et ne voit plus personne. Tristesse absolue et rage.

La police tue
À Chambery, Lakhdar Bey, sa femme et trois de ses enfants, ne payent plus le loyer de leur logement dans la cité HLM de Bellevue. Leur quatrième enfant, né prématuré, est toujours hospitalisé. Le 3 juillet lorsque Lakhdar rentre chez lui, policiers et huissier sont présents pour procéder à l’expulsion. Pour la police le comportement énervé de l’homme de 52 ans aurait justifié l’interpellation. Sa femme dément, ajoutant qu’elle a prévenu de l’état de santé fragile de son mari : « Un policier m’a dit : Je m’en fous. Et ils ont continué. Ils l’ont allongé par terre, ont mis les pieds sur lui et lui ont mis les menottes. » Lakhdar ne se relèvera pas. La famille a porté plainte.
Le 5 août à Grenoble un jeune homme de 21 ans est mort en fuyant un véhicule de police en patrouille qui l’aurait vu griller un feu rouge avant d’enclencher la sirène. Difficile d’en savoir plus si ce n’est la version policière selon laquelle il se serait « accidenté seul ».
Le 11 août au soir dans un parc public du quartier du Careï à Menton, un sans domicile fixe d’une cinquantaine d’année tente de mettre fin à ses jours. L’homme qui s’est tailladé le corps reçoit un tir de Taser. Il se relève et se dirige vers un policier, son collège tire à deux reprise avec son arme de service. Le suicidaire est mort.
Mercredi 4 septembre à Tarascon, un homme de 38 ans a été vu se frappant la tête contre la porte d’une école de la ville. La police intervient, répondant à cet homme en détresse psychologique à coup de Taser à bout touchant. L’homme est décédé peu après, menottes aux mains, malgré les tentatives de réanimation.

Nouveaux déni de justice
Il y a deux ans Liu Shaoya a été assassiné devant sa famille par la BAC, alors que, nettoyant des poissons, il avait des ciseaux à la main. Quelques jours plus tard, place de la République 6000 personnes avaient protesté. Après une parodie d’enquête, c’est le non lieu pour les flics comme tant d’autres fois. La famille a fait appel, un premier rassemblement a été organisé fin Août. Infos : www.liushaoyao.wixsite.com/shaoyaoliu.
Le 26 août, cela a fait 5 ans que Hocine Bouras a été tué par un gendarme sur l’A35. Sa famille reste déterminée à combattre les crimes policiers, et les violences d’Etat. Elle se pourvoit actuellement à la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) après avoir essuyé une série de « non-lieux » de la part des différentes instances judiciaires. Infos : https://justicepourhocinebouras.wordpress.com/

Mort de Zineb et Steve
« Qu’on accuse pas la police d’avoir tué quelqu’un » a répondu Castaner aux médias à propos de la mort de Zineb Redouane, 80 ans, touchée au visage par une grenade des flics qui réprimaient la manif marseillaise des GJ du 1er décembre. Pour Castaner, ce qui a causé sa mort c’est un « choc opératoire » subi le lendemain des faits et cela suffirait à innocenter les flics. Cette volonté d’enterrer l’affaire a été confirmée par la décision du 21 Août de dépayser l’enquête à Lyon. Pour la famille, il s’agit pour l’Etat de faire oublier la responsabilité des autorités locales et notamment du procureur de Marseille dans la manière de mener l’enquête à ses débuts : aucun tireur n’a à ce jour été identifié malgré les images de vidéo-surveillance alors que d’après la fille de Zineb qui a eu sa mère au téléphone au moment de l’impact, le policier tireur l’a « regardée et visée ».
À Nantes, mêmes mensonges d’Etat. Le corps de Steve a été retrouvé dans la Loire le 29 juillet et les premières conclusions de l’enquête nient la responsabilité des flics qui ont chargé et gazé à tour de bras les jeunes qui faisaient la fête en musique sur le quai Wilson et se sont enfuis en courant dans les nuages de lacrymos, tombant dans les eaux du fleuve pour une quinzaine d’entre eux dont Steve, porté disparu dès le lendemain. Depuis, un mouvement de solidarité avec la famille de Steve s’est développé dans toute la France réclamant justice et vérité.
Mais pas de doute que pour l’Etat, ces policiers n’ont fait que leur devoir en causant la mort de Zineb et de Steve. Pour s’en assurer, il suffit de consulter la liste des flics que Castaner a décidé d’ « honorer de la médaille de la sécurité intérieure » le 16 juin : y figurent le capitaine Bruno Félix commandant des auteurs de tirs marseillais du 1er décembre et Grégoire Chassaing, commissaire divisionnaire à Nantes, qui, le 21 juin, lors de la fête de la musique, ordonnera le gazage et les charges du quai Wilson.