Affaire Benalla : des masques tombent

bulletin numero 175 - septembre - octobre 2018


16 septembre 2018


Affaire Benalla : des masques tombent

RESISTONS ENSEMBLE - bulletin numéro 175 – septembre/octobre 2018


Affaire Benalla : des masques tombent


« L’État est le plus froid de tous les monstres froids (qui) ment froidement » voilà ce que constatait le philosophe Nietzsche il y plus 100 ans. Mais il y a des moments de crises où le rideau de fumée qui cache les mensonges se dissipe momentanément.
C’est ce qui est arrivé avec l’« affaire Benalla ». La violence du gorille de l’Élysée n’est pourtant rien à côté de la violence quotidienne « autorisée » et « officielle » de la police : des yeux crevés, des morts, des AVC, des paralysés… Mais le grain de sable Benalla a déclenché un tel vent de panique que des responsables qui ne parlent jamais ont lâché des infos habituellement dissimulées.
En vrac : le préfet de police dénonce les « copinages malsains » à la Préfecture ; le chef des syndicats des commissaires affirme qu’à l’Élysée on voulait recruter des agents secrets « vacataires », des anciens de l’armée, des ex-SDECE ; le directeur général de la gendarmerie explique que Benalla est passé soudainement, à 26 ans, de simple brigadier au grade de lieutenant-colonel de réserve spécialiste car la réorganisation des services de sécurité de l’Élysée devait se faire entre officiers supérieurs ; le port d’arme de Benalla refusé par Colomb a été en revanche accordé par la préfecture de police ; un syndicat de police porte plainte contre Benalla, car les flics officiels veulent garder le monopole de la violence…
Ce serait ça la « République irréprochable » promise par Macron ? Oui et c’est logique. L’État est un outil à sauvegarder les libertés des possédants. Aujourd’hui une fraction de son appareil considère sous l’impulsion de Macron que des temps difficiles risquent d’arriver où la police officielle, « républicaine » sera incapable, seule, de faire le boulot de répression. En prévision de ces résistances à venir, dont on ne connaît encore ni l’ampleur, ni la forme, ni la date, que Macron s’arme avec son réseau de « barbouzes » publics et privés. C’est de ce projet que le lieutenant-colonel de réserve Benalla, venant de l’extérieur de l’appareil d’État « classique », était la charnière.
Soyons vigilants, les fascistes s’organisent et agissent (voir notamment RE 174), mais la « République exemplaire » se prépare à les accueillir dans son lit.




En été, la police ne prend pas de vacances


La liste des violences, des mutilations, des morts que les forces de l’ordre laissent dans leur sillage fait froid dans le dos. Ce genre de liste fait aussi ressortir des mécaniques dont nous avons souvent parlé dans ce bulletin (Voir aussi paris-luttes.info/autopsie-des-techniques-policieres-9334 ?lang=fr). Ainsi, se cacher derrière la violence réelle ou supposée de la victime pour justifier sa mort ou sa mutilation, quitte à inverser les rôles et faire que la victime se retrouve elle-même dans la peau de l’accusé, une plainte sur le dos. Ou encore, salir la réputation de la personne, sa mémoire, avec l’idée puante qu’un casier ou un acte délictuel pourrait justifier sa mort, sa mutilation.
On voit aussi apparaître des pratiques nouvelles suite à loi sur la « présomption de légitime défense » (février 2017), ou le port d’arme hors service. Lorsque Romain est tué d’une balle dans le thorax au terme d’une course-poursuite, l’avocat du flic affirme « le tir était légitime, il a sauvé des vies, puisque cet automobiliste a mis en péril celle de beaucoup de passants ». Argumentaire récurrent (comme pour la mort d’Aboubakar, avant d’être contredit par les aveux du policier) qui entend justifier la mort en se basant sur le seul jugement du policier qui considère que sa cible a mis en danger la vie d’autrui et qu’il empêche, par son intervention, préventivement, la réalisation d’un crime potentiel. (Voir aussi https://rebellyon.info/Quelques-reflexions-apres-un-nouveau-19494)
Cette logique proactive du maintien de l’ordre a le vent en poupe : depuis avril la direction départementale de la police du Val-d’Oise expérimente un logiciel qui calcule, par rue, les lieux des possibles crimes à venir pour indiquer aux policiers où aller patrouiller en priorité et en toute impunité.
Quant aux armes à feu conservées hors services, elles contribuent à alourdir ce tragique bilan, d’autant qu’elles sont la cible de nombreux vols. 24 armes volées ou perdues depuis le début de l’année pour la seule région parisienne. Le 9 août un policier hors service se fait voler son arme au Bois de Boulogne, une semaine plus tard, Vanesa Campos, une travailleuse du sexe transgenre, se fait tuer avec cette même arme dans ce même bois.

Nous n’oublierons pas ceux qui sont morts

Le 3 juillet dans le quartier du Breil (44). Depuis 2005 avec la mort de Bouna et Zied à Clichy-sous-Bois, 2007 et celle de Moushin et Laramy à Villiers-le-Bel, le lien entre émeutes dans les quartiers populaires et crime policier n’est plus à prouver. Encore une fois, les habitants des quartiers populaires de Nantes ont fait éclater leur colère suite au tir policier à bout portant qui a tué Aboubakar Fofana. Barricades, jets de cocktails molotov, incendies de voitures et de bâtiments publics (commissariat, Pôle emploi, annexe de la mairie...), durant 5 nuits les affrontements avec la police ont été intenses. Le tir du policier était « gratuit » comme le disent nombre de témoins. La police a bien essayé de nous vendre de la légitime défense, arguant qu’Abou, recherché par la police, aurait fui le contrôle en reculant, mettant en danger des enfants à vélo, mais leurs mensonges n’ont pas tenu 24 h. Le flic en cause a admis avoir tiré « par accident ». Il a certes été mis en examen, mais libéré sous contrôle judiciaire. La famille d’Abou s’est constituée partie civile, des marches ont été organisées à Nantes, à Garges-lès-Gonesse d’où il est originaire. Facebook « vérité et justice pour Aboubakar », une cagnotte en ligne : www.leetchi.com/fr/Cagnotte/37002100/6f3b1135

Le 9 juillet à Vic-sur-Aisne (02). Un homme très agité passe le portail d’une petite maison, une barre de fer à la main. Il crie « Allahu akbar », démolit une parabole, des pancartes, peut-on lire dans la presse. On apprendra par la suite qu’il souffrait de troubles psychologiques. L’occupant de la maison appelle les gendarmes. L’homme refuse d’obtempérer, les militaires utilisent leur Taser à plusieurs reprises, puis le ceinturent…l’homme décède.

Le 14 août à Paris (75). Romain, 26 ans, originaire de Draveil (Essonne), refuse de se soumettre à un contrôle routier motivé par un défaut d’éclairage. Le policier monte à l’arrière d’un scooter, demande au conducteur de poursuivre le véhicule, il finit par rejoindre la voiture bloquée par la circulation. Le policier passe sur le côté lorsque celle-ci, selon la police, aurait tenté de faire une marche arrière. Il tire sur le jeune homme puis le sort de la voiture. « Il l’a écrasé avec son genou, il y avait du sang qui coulait. L’homme a commencé à trembler et à ce moment-là le flic s’est occupé de lui, en lui faisant des points de compression » explique un témoin. Mais la balle qui a perforé le thorax sera fatale. Romain est mort, menotté, les mains dans le dos, face contre terre. Le policier a été mis en examen.

Le 21 août à Orly (94). Au petit matin, trois copains sur des scooters sont surpris par une patrouille de police et prennent la fuite. Clayton, 15 ans est parti le dernier. Dans leur version les policiers poursuivent le jeune homme, gyrophare et sirène allumées, lorsque celui-ci heurte un trottoir dans un virage. Clayton perd la vie dans sa chute.

Le 28 août à Paris. Un homme de 38 ans trouve la mort. Son scooter ayant percuté une voiture rue Ordener (18e) en fuyant un contrôle de police. Sa passagère a été grièvement blessée.

Le 31 août sur l’A9 à hauteur de Gallargues-le-Montueux (30). En fin de journée, le témoin d’un accident sans gravité sur une route départementale donne aux gendarmes le signalement d’un véhicule impliqué dans le sinistre et qui ne s’est pas arrêté. Les militaires envoient une patrouille. Le conducteur prend la fuite. Au péage de l’autoroute un gendarme, qui a été mis en examen, ouvre le feu sur le fuyard le touchant mortellement.

Pas non plus les blessés

Le 1er juillet à Cormaranche (01) un agent de la PAF rentre chez lui après son service vers une heure du matin, il est dérangé par un groupe de jeunes fêtant leur réussite au BAC. Une altercation débute. Le policier se sent menacé, il sort son brassard et son arme et tire à quatre reprises. Un jeune est blessé au mollet et 4 autres sont poursuivis pour « violences aggravées en réunion ». L’un d’eux a été placé en détention provisoire.

Début juillet à Vienne (86). Les baqueux recherchent un jeune qui leur a échappé, ils frappent et interpellent tous les jeunes du quartier pour obtenir un nom. Mohamed Elabdani rentre du travail et voit son fils à terre, étranglé, matraqué alors qu’il est menotté. Il intervient pour tenter de calmer les flics, ceux-ci s’en prennent à lui, le frappent, le tasent. Ils veulent l’embarquer mais les pompiers insistent pour qu’il aille à l’hôpital : 21 jours d’ITT et de nombreuses factures. Son fils et les autres interpellés ne sortiront que le lendemain. Mohamed (qui a déjà perdu un fils en prison, facebook : veriteetjusticepourbilal) a porté plainte...

Le 14 juillet. Le week-end a été particulièrement violent : 3 jeunes ont été gravement blessés suite à des tirs de flashballs. Alfoussen à la joue lors d’un contrôle à Villeneuve-la-Garenne, Joachim à Lyon et Maxime à Grenoble ont été éborgnés alors qu’ils fêtaient la victoire de l’équipe de France. Le collectif face aux armes de la police cherche à les joindre pour leur conseiller de ne pas se contenter d’une plainte contre X pour violence volontaire mais de porter plainte au TA contre l’État pour utilisation d’armes dangereuses.

Les 24 et 25 juillet à Créteil (94). Répondant à une convocation pour une affaire de violence conjugale, un homme se rend, au commissariat de Créteil. Pour une affaire de stupéfiant ou des délits routiers (dans la presse les versions divergent), placé en garde à vue. Il en sortira le lendemain dans le coma, victime d’une clé d’étranglement. La suite est du « déjà-vu » : 5 fonctionnaires ont porté plainte contre la victime pour violence, et selon la presse : « un homme fait un malaise au commissariat », bref il s’est fait mal tout seul. Restent de graves séquelles : l’homme est devenu hémiplégique, et a perdu l’usage de la parole.

Le 8 août à Melun (77). Un jeune homme de 18 ans qui avait quitté le domicile familial il y a peu, prend la fuite lors d’un contrôle d’identité. La BAC le coince dans une cour d’immeuble. Pour la police le jeune homme aurait sorti un couteau, puis dans un mouvement de recul un policier tombant à terre, les autres aurait ouvert le feu à quatre reprises. Le jeune homme est transporté à l’hôpital dans un état critique.




> chronique de l’arbitraire


Feu aux CRA
Le 31 juillet au CRA de l’aéroport de Lyon, des matelas sont brûlés dans deux cellules. Il s’agit d’une stratégie pour faire diversion et permettre à l’ensemble de retenus de s’évader. Malheureusement le plan échoue, la police et la justice s’abattent sur 3 hommes, traités en boucs émissaires et condamnés à de la prison ferme (6 et un mois).

Nouvelle offensive anti pauvres et anti squatteurs
Des manifestations ont eu lieu le 1er septembre pour protester contre la loi anti logement ELAN qui doit être adoptée ce mois-ci par le parlement. Cette loi achève de criminaliser les « occupants sans titres de locaux à usage d’habitation » comprenez les squatteurs mais aussi les locataires non déclarés, victimes de marchands de sommeil : les squatters seront désormais expulsables sans jugement ni délai et passibles d’un an de prison et de 15000 euros d’amende. Résistance !

La lutte continue pour Fatouma et sa famille
En juin 2013 à la cité de Marnaudes de Villemonble, Fatouma K. perd un œil suite à une intervention policière qui a pris, sans raison, ses fils, Makan et Mohamed, pour cible, les blessant également (voir RE 121). Les 3 policiers de la BAC auteurs des tirs de grenades de désencerclement, de LBD et du coup de bonbonne de gaz lacrymo sur le crâne ont été jugés en cour d’assise au tribunal de Bobigny début juillet en même temps que les deux frères (dont le premier est acquitté et le second retenu coupable d’outrage et rébellion mais dispensé de peine). Les 3 flics ont été acquittés la légitime défense ayant été retenue mais, fait très rare, le parquet général a fait appel de cette décision. À suivre.




> agir


Mais que se passe-t-il à la frontière franco-italienne ?
Violences, humiliations, intimidations policières. Pourtant beaucoup restent solidaires, malgré les menaces de prison : rendez-vous est donné au Col de Montgenèvre du 19 au 23 septembre, pour cinq jours de lutte, discussions et réflexions info : www.passamontagna.info

Justice et vérité pour Angelo Garand !
Le 30 mars 2017 un commando du GIGN de Joué-lès-Tours prend d’assaut la maison de la famille Garand (RE n° 171), Angelo est tué par les forces de l’ordre. Le procureur de Blois a depuis le 6 juin formulé ses réquisitions, un non-lieu ! Voir le ciné-tract « On court tant qu’on peut ! » : https://vimeo.com/284215362 Pétition : https://www.change.org/p/justice-et-vérité-pour-angelo-soutien-à-la-famille-garand Cagnotte solidaire : https://www.leetchi.com//c/solidarite-de-aurelie-garand Facebook : « Justice Pour Angelo »

Soutenir Thomas Porte
Génération identitaire a porté plainte contre Thomas Porte syndicaliste et dirigeant du PC après qu’il ait envoyé un tweet pour dénoncer les méthodes fascistes de ce groupuscule raciste d’extrême droite agissant sur le col de l’Echelle pour faire barrage aux migrants qui tentent de passer la frontière. Une pétitionwww.comitesoutienthomasportes.com et une cagnotte www.lepotcommun.fr/pot/8ek002yw ont été mises en ligne pour le soutenir.