Leur dernière carte ?

bulletin numero 151 - avril 2016


9 avril 2016


Leur dernière carte ?

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 151 / avril 2016


Leur dernière carte ?

Laurence Rossignol, ministre des « droits des femmes, de la famille et de la jeunesse » (sic) compare les femmes qui portent un voile à ces « nègres américains qui étaient pour l’esclavage ». Pour elle, c’est simple, celles qui choisissent de se voiler sont « des militantes de l’islam politique ». Pour Patrick Kanner, ministre de la ville, il y a en France : « une centaine de quartiers » qui présentent « des similitudes potentielles avec Molenbeek ». Ces déclarations sont d’abord présentées comme des bourdes de ministres mais très vite Valls en rajoute une couche dans un discours tout à fait officiel : « le voile (n’est) pas un objet de mode, (mais) un asservissement de la femme » pour ensuite stigmatiser insidieusement les millions de supposés musulmans vivant en France comme étant soumis aux salafistes : « Il y a une forme de minorité agissante, des groupes (salafistes) qui sont en train de gagner la bataille idéologique et culturelle. ». Pour le pouvoir la boucle est bouclée, l’ennemi est dans le collimateur : musulmans, habitants des cités populaires… tous des terroristes potentiels.
Nous sommes loin du baratin électoral de Hollande : « mon ennemi, c’est la finance ». Les possédants ont une ligne : ils veulent remplacer l’opposition entre les pauvres et les riches par le racisme contre les non-blancs, par l’islamophobie, par la négrophobie… C’est une politique, la dernière carte des capitalistes avant l’écroulement de la démocratie parlementaire et l’avènement d’une dictature policière ouverte.
Les lois sécuritaires, anti terroristes, la réforme du code pénal, la formation des milices privées armées (SNCF, RATP…), les violences policières, l’état d’urgence permanent sont déjà là, le piège n’attend que de se refermer. On travaille l’opinion publique, sous prétexte de la lutte « anti-terroriste » pour lui faire avaler toutes ces dispositions liberticides en lui assénant les idées nauséabondes qui vont avec, comme si c’était la nouvelle « normalité ».
Ce n’est pas encore joué. Des puissantes manifestations, traversent le pays, des travailleurs, chômeurs, retraités lycéens, étudiants comprennent, indépendamment de leurs origines, mieux que personne, que le pouvoir à la botte du Medef agresse leur présent et leur futur. Pour défaire le piège raciste il n’y pas mieux dans l’immédiat que de battre le pavé ensemble. C’est là que les nouvelles alliances et convergences se formeront ou pas.




Non à la « loi travail » et à ses violences policières
La mobilisation a débuté fort dès le 9 mars et continue de s’amplifier : manifs, occupations (de facs, de mairies par des syndicalistes, de la DGT par 250 sans-papiers, de lieux par des intermittents, des places publiques par des milliers de personnes...), blocages de lycées (250 le 31 mars)…
La répression policière n’a pas non plus tardé : irruptions dans les AG, évacuations, gazages, tabassages, insultes, tirs de flash ball, coups de tonfa, de matraque, jets de grenades, interpellations massives de manifestants, mises en examen, placements sous contrôle judiciaire, condamnations dont celle de Gaël, jeune nantais, à 6 mois de prison ferme.
Ceux qui s’en prennent le plus plein la tête sont les lycéens et les étudiants. L’évacuation très violente de la fac de Tolbiac à Paris le 17 mars fera de nombreux blessés et mènera 4 personnes en GAV (elles passeront devant le juge le 9 mai). Le blocage de la cité scolaire Voltaire le 1er avril mènera Ryan, 15 ans, devant le juge, il risque une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison sous prétexte d’un bout de papier enflammé jeté dans une poubelle tout de suite éteint par les enseignants présents aux côtés des élèves.
Le blocage du lycée Bergson dans le XIXème à Paris le 24 mai aura été lui aussi d’une extrême sauvagerie comme en attestent de nombreux témoignages souvent vidéos à l’appui. Ainsi, un flic filmé en train de tabasser un lycéen maintenu au sol et de le frapper au visage fait l’objet d’une enquête judiciaire pour violence volontaire et a été mis à pied en attente de son procès et un autre, cagoulé, filmé en train de frapper avec sa matraque un groupe de lycéen est toujours recherché par l’IGPN (aucun de ses collègues en uniforme n’ont souhaité le dénoncer).
Une vidéo va également pouvoir servir de matière à la défense de Max, un syndicaliste rennais de 60 ans qui a reçu des coups mais doit passer en jugement (avec 10 autres manifestants) accusé de jets de projectiles contre les flics lors de la manif du 17 mars.
Donc les vidéos ça marche, mais à manier avec prudence toutefois car si filmer un flic dans l’exercice de ses fonctions n’est pas illégal (la publication et diffusion des images obéissent cependant à certaines conditions), les filmés peuvent confisquer votre appareil en cas d’interpellation : vous voir les filmer peut donc les encourager à trouver une raison de vous arrêter ! Tout dépendra donc du rapport de force en présence.
Certains blocages de lycée se sont cependant déroulés à l’écart de tout regard solidaire et se sont particulièrement mal passés. Au lycée professionnel Moulin du Blanc Mesnil (93) le 24 mars, Galilée de Gennevilliers (92) et Voillaume d’Aulnay-Sous-Bois (93) le 1er avril et Léonard de Vinci de Levallois Perret (92) le 5 avril , même scénario : en l’absence de soutien de la part des professeurs, les lycéens sont vite accusés de violences et/ou d’avoir été « infiltrés par des éléments extérieurs » venus des cités avoisinantes supposés violents, la BAC arrive, tape et interpelle dans le tas. Une preuve supplémentaire que seule la solidarité entre tous peut constituer un frein à la hargne policière et à la violence d’Etat.
Durant la manif parisienne de lycéens du 5 avril, la répression policière est encore montée d’un cran, plus de100 manifestants ont été arrêtés, la grande majorité a été libérée après que des centaines de personnes solidaires se sont rassemblées pendant des heures devant le commissariat où leurs camarades étaient enfermés, jusqu’à partir en manif sauvage aux cris de « Zyed, Bouna on n’oublie pas ! » en pleine nuit après avoir bloqué avec des barricades le boulevard Saint Germain.




> [ Sur le vif ]

« Salut, la vidéo fait mal. De mauvais souvenirs. On n’en guérit pas... Si vous connaissez le lycéen de Bergson frappé par le flic, dites-lui qu’on reste disponible pour aider à ne pas trébucher dans les méandres de la justice. Attention, comme pour nous, tél. et mails sur écoute pour toute la famille. Filatures. C’est du vécu. Dans tous les cas il faut porter plainte, disséquer les PV des flics, rassembler de suite les témoignages, sans altérer la vérité. Le flic a déjà tout faux… Aucune résistance à l’interpellation, pas de proportionnalité, pas de légitime défense… Plus que l’agression, c’est le Faux et Usage de Faux en écritures publiques qui crée l’impunité. Le sens de notre combat. Filmez, filmez, filmez la police. » Christian père de Geoffrey, lycéen mutilé par un flic (2010 MV des retraites). Procès en appel les 9, 10 et 11 janvier 2017. contact : assemblee.des.blesses@gmail.com




> [ Chronique de l’arbitraire ]

Les migrants luttent pour leur vie dans l’indifférence quasi générale
À Calais, les 9 Iraniens qui s’étaient cousu la bouche (voir RE 150) ont tenu près d’un mois. Ils ont refusé l’hébergement « offert » et l’accès privilégié à la procédure d’asile accélérée et continuent de réclamer l’arrêt de la destruction de la jungle et un examen des dossiers de tous les migrants du camp par le gouvernement anglais, mais ont cessé leur grève de la faim.
Paris, XIXe arrdt, depuis plusieurs mois, un campement de 400 personnes érythréennes, soudaines, somaliennes et afghanes s’est installé sous le métro aérien station Stalingrad. Le 7 mars une première expulsion a lieu. Mais petit à petit le campement s’est reformé, ils sont vite à nouveau plusieurs centaines. Tous savent qu’ils trouveront là le soutien des militants et des riverains. Mais, le 30 mars ils ont dû faire face à une nouvelle évacuation : flics pour la violence physique, Emmaüs pour la violence morale du tri et BAPSA, cette brigade d’assistance aux sans-abris. Le 31, une trentaine de migrants sont encore sur place. Avant de grillager les lieux, les flics se chargent d’eux : direction le commissariat ! 15 d’entre eux, pourtant inexpulsables, passeront 3 ou 5 nuits au CRA de Vincennes avant d’être libérés. Nouvelle stratégie d’intimidation : le CRA en guise d’hébergement ? Se demandent les militants.

« Si vous l’acquittez, vous donnez un permis de tuer à la police »
Ça nous pend au nez depuis l’affaire Amine Bentounsi, du nom de ce jeune homme tué par un flic en avril 2012, alors qu’il était de dos. « Légitime défense » hurlèrent le flic et l’ensemble de sa corporation (voir RE n°149, février 2016 sur l’acquittement du policier) ! Actuellement, un projet de loi va être étudié, visant à empêcher une victime d’une agression de flic de se porter partie civile, donc de porter plainte contre ledit policier dès lors que cette victime s’est rendue coupable d’un crime ou d’un délit comme, avoir au préalable tiré sur le flic, ou plus simplement avoir participé à une manif interdite...

Un rapport salutaire de l’ACAT sur l’impunité policière
Depuis 10 ans, 89 cas étudiés montrent que les enquêtes administratives et judiciaires ne permettent pas de rendre justice lors de violences policières, bref que les flics s’en sortent très souvent sans condamnation alors même que Taser, Flash-ball (39 blessés graves et 1 mort depuis 2005) et certaines techniques d’interpellation (8 décès en 10 ans) causent de plus en plus dégâts humains. https://www.acatfrance.fr/rapport/l-ordre-et-la-force

Solidarité avec Hasna !
Le 8 mars les policiers sont allés chercher Hasna en pleine manif pour les droits des femmes. Elle était la seule à porter un tee-shirt de la campagne internationale BDS (Boycott, désinvestîmes, sanctions) des produits de l’occupant israélien. Elle est accusée de « provocation à la haine en raison de l’origine par écrit » (!). La Cour de cassation a déjà condamné des militants de BDS, quant à Valls, il n’a pas hésité à déclarer lors du dîner annuel du CRIF du 7 mars que « l’antisionisme, (est) tout simplement le synonyme de l’antisémitisme et de la haine d’Israël. ». Solidarité !

Argenteuil : alliance du sabre et du goupillon…
La présentation de la relique sacrée de la Basilique d’Argenteuil, la Sainte Tunique du Christ, sous l’égide de l’évêque de Pontoise et du cardinal Barbarin, a mobilisé dans l’urgence les policiers en nombre pour… chasser les Rroms des campements et des squatts, et nettoyer la ville avant l’arrivée des pèlerins ! Les Rroms mis à la rue, ont été suivis, et à nouveau chassés à chaque halte, la police agissant en procédure de flagrant délit !

Non, Wissam El Yamni n’était pas drogué
Wissam El Yamni passé à tabac lors de son interpellation le 1er Janvier 2012 par la police ne s’en relèvera jamais, il décédera après 9 jours de coma. Il suffirait d’avoir des traces de drogue pour mourir de drogue ? C’est pourtant ce qu’affirme la dernière expertise judiciaire en date concluant sans démonstration que des trace minime de drogue ont pu provoquer un arrêt cardiaque alors que l’ensemble des éléments prouvent le contraire. En 2015 la chambre d’instruction profitait de cet imbroglio pour annuler la mise en examen des 2 policiers. (A lire cet état des lieux qui revient sur quatre années de combat : http://resistons.lautre.net/spip.php?article558.)
Depuis la famille révèle les résultats du deuxième rapport d’expertise indépendant (à lire sur https://lc.cx/4mTm), réalisé par l’un des plus grands toxicologues, qui démontre de manière scientifique que Wissam n’était pas sous l’emprise de drogues au moment de l’interpellation et exclut de fait la mort d’origine toxique. Aussi la partie civile attend de la justice et notamment de la chambre d’instruction qu’elle agisse enfin pour rétablir la justice et la vérité sur les causes réelles de la mort de Wissam.

Non à la légalisation du permis de tuer
Face à l’état policier, légitime défiance

C’est sur ce mot d’ordre que plusieurs centaines de personnes ont manifesté le samedi 19 mars à Paris à l’occasion de la journée internationale contre les violences policières. Un autre cortège « contre la guerre, le racisme et le colonialisme » a rejoint la manifestation au départ de la gare du Nord et le trajet a été ponctué de prises de paroles. Les familles des personnes tuées par la police et les comités de soutien ont ainsi pu partager leur expérience de cette violence d’État et rappeler leur exigence de vérité et de justice.

Combien de Cindy ?
Nantes, quartier Plaisance, à Orvault le 24 janvier, Cindy apprend que son fils de 15 ans est accusé d’un vol de scooter, elle le voit arriver le visage en sang, menotté. Alors qu’elle court à sa rencontre, elle est jetée au sol et frappée sans sommation à coups de matraque. Elle aura le corps couvert d’hématomes et les jambes tuméfiées, ce qui lui vaudra 12 jours d’ITT. Puis Cindy sera placée en garde à vue et poursuivie pour « rébellion » et « violences » sur les fonctionnaires de police. Pas de nouvelle de sa plainte. Par contre la justice n’a pas traîné pour la condamnée à 600 euros d’amende et de 500 euros de dédommagement pour chacun des trois membres de la BAC qui l’ont agressée.
Une péition pour soutenir Cindy : https://www.change.org/p/c-j-contre-les-violences-polici%C3%A8res-subies-par-une-maman-d-orvault




> [ Agir ]

Le journal L’Envolée n° 43 est sorti
Un journal pour en finir avec toutes les prisons, qui donne avant tout la parole aux prisonniers et prisonnières. Au sommaire, état d’urgence et loi « anti-terroriste » ; peines intérieures = 13e mois, élimination, éloignement, isolement… ; permis de tuer ; JAP et SPIP… rdv sur http://lenvolee.net