Bonnet blanc, blanc bonnet ?

bulletin no 134, octobre 2014


12 octobre 2014


Bonnet blanc, blanc bonnet ?

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 134 / Octobre 2014


Bonnet blanc, blanc bonnet ?

D’abord il y a l’égorgement filmé des otages. Ces images minutieusement mises en scène qui brûlent la peau. Puis une grande « fraternité » ,non moins savamment orchestrée ,des pays va-t-en-guerre. Des États autocrates comme l’Arabie Saoudite, ex-financeurs des « jihadistes » et des grandes puissances « démocratiques » occidentales, avec en prime Bachar el-Assad, le dictateur syrien qui, d’ennemi d’hier devient tout à coup un allié tacite et précieux. Quel attelage puant.
On nous sert, une fois de plus, le plat de la « défense de la démocratie contre la barbarie ».
Sauf qu’il y a triche. Des deux côtés. Les « jihadistes » de l’« État islamique » ne sont pas des combattants anti-impérialistes, mais des assassins dingues qui camouflent leur soif de pouvoir par une appropriation frauduleuse de l’Islam. Les peuples opprimés n’ont rien à gagner avec à eux.
Quant à la coalition en guerre, elle défend ses propres intérêts, chacun veut refaire les frontières de l’Iraq, de la Syrie… à sa sauce et s’accaparer de riches champs pétroliers.
Cette guerre ne servira à rien qu’à massacrer encore plus de civils et à renforcer encore plus l’emprise des jihadistes. Faux ? En Afghanistan, au bout de plus de 10 ans de guerre et le massacre de milliers de civils par les américains et leurs alliés, les talibans sont plus forts que jamais. On ne voit pas pourquoi cela changerait cette fois-ci.
Et pour la France ? La guerre en cours pousse déjà des centaines de jeunes en quête d’idéal, mais séduits par des idées inhumaines à se mettre sous la coupe de ces faux prophètes. Mais il y a plus grave. Le pouvoir se sert de sa « croisade » pour justifier une nouvelle loi « antiterroriste » (la 16ème depuis 1986), votée par la gauche comme par la droite. Contre ? Pratiquement personne. Pourtant cette loi n’aura aucune autre efficacité que de s’en prendre encore davantage aux libertés démocratiques de nous tous. Souvenons-nous, le fichage ADN qui avait été introduit sous le prétexte de lutter contre les pédophiles. Résultat des courses : aujourd’hui tout ce qui bouge est fiché ADN.
Bonnet blanc, blanc bonnet ? On ne portera les drapeaux ni de l’un, ni de l’autre.




Le « juste arbitraire »
Le 15 septembre, le projet de loi « Cazeneuve » passait devant l’assemblé. Ce n’est pas la première loi qui brandit la menace terroriste pour justifier du recul de nos libertés. LSQ, LSI, lois Perben et co. ont largement exploité l’aspect irrationnel de la peur pour durcir l’arsenal répressif (voir le RE spécial 6 ans de lois sécuritaires http://resistons.lautre.net/spip.php?article363). Cette menace qu’on agite régulièrement est pour le moins pratique : à géométrie variable, à définition mouvante et finalement assez vague pour justifier une législation d’exception qui peut s’appliquer au fou sanguinaire comme à l’ouvrier qui sabote son outil de travail, au manifestant pris avec un fumigène… Alors que nous prépare cette nouvelle couche sécuritaire ? Entre autres :
Interdiction de quitter le territoire sur la base de soupçons « sérieux d’intention ». Le ministre de l’Intérieur pourra ainsi confisquer la liberté de circuler pour une durée de six mois renouvelables à l’infini et bien entendu sans procédure contradictoire préalable. Voilà plantées les bases d’une justice préventive fondée sur l’arbitraire qui ne manquera pas de s’étendre, à l’image du fichage ADN prévu à l’origine pour les délinquants sexuel et désormais généralisé.
« Entreprise terroriste individuelle ». Jusqu’à présent l’outil répressif « antiterroriste » s’appliquait difficilement sur la personne isolée, voilà qui serait corrigé. Il suffira qu’un individu regroupe au moins deux infractions parmi une liste, par exemple la détention de substances dangereuses, le recueil d’informations destinées à passer à l’acte, mais également la consultation de sites provoquant au terrorisme… bref un panel assez large pour bien ouvrir les possibilités d’incrimination.
Sortir l’« apologie du terrorisme » du droit de la presse. En insérant dans le Code pénal l’« apologie du terrorisme » (condamnation des opinions) au sein de la définition du terrorisme (condamnation des actes), la loi ouvre la voie d’une pénalisation du délit d’opinion en s’affranchissant des nuances spécifiques au droit de la presse.
Le blocage des sites Internet. Pour le coup plus besoin de passer devant un juge et aucun moyen de défense préalable avant la censure, aucun contrôle. Une autre mesure à l’image de l’esprit de la loi, c’est à dire faciliter l’action policière et répressive en l’affranchissant de tout contre pouvoir, même hypocrite.
Articles annexes. Comme souvent le projet de loi amalgame quelques articles plus généralistes, mais pas moins répressifs, comme les perquisitions à distance, ou la généralisation à l’ensemble des infractions relevant de la criminalité et de la délinquance de certaines pratiques comme l’enquête sous pseudonyme.



> [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]

La police se protège d’un « dangereux » suicidaire en le tuant
Vendredi 5 septembre un homme de 34 ans en pleine crise de dépression a voulu se suicider dans un hôtel parisien. Les policiers sont intervenus et se sont servis de leur taser pour le maîtriser ce qui l’a tué (voir RE 133). Une enquête a été ouverte, mais pour les syndicats de police l’explication est toute trouvée : « La situation était compliquée, mais également dangereuse pour nos collègues. Vous n’allez pas frapper avec une matraque un individu qui est en état de démence parce que votre sécurité va être mise en jeu », leurs collègues « ont utilisé tous les moyens nécessaires » car « s’il les avait entraînés dans sa chute par la fenêtre que ce serait-il passé ? »

Dorsaf et Walid relaxés
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a annulé la condamnation de juin 2013 à 4 mois de prison avec sursis et 300 euros chacunE de dommages et intérêts, de Dorsaf et Walid, deux membres fondateurs du comité Vérité et Justice pour Abdelhakim Ajimi. En janvier 2012, deux policiers présents au tribunal de Grasse lors du procès des policiers coupables de la mort de Abdelhakim, avaient porté plainte contre eux pour outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique. Extrait du communiqué du comité : « Même si nous nous réjouissons de cette décision de justice, nous n’avons malheureusement rien gagné. Nous avons perdu du temps, de l’énergie et de l’argent à nous défendre contre des policiers qui attaquaient deux personnes phares du comité pour nous déstabiliser, pour nous faire payer le peu que nous avons gagné : des peines symboliques pour 3 policiers (sur les 7 comparaissant devant le tribunal) qui ont tué Abdelhakim […] les policiers reconnus coupables de [sa] mort n’ont pas été révoqués, ils sont toujours en poste à Grasse, et la clé d’étranglement qui lui a été fatale est toujours enseignée dans les écoles de police et pratiquée par les policiers dans nos rues. Notre combat se poursuit, avec vous ! » comite_hakim_ajimi@riseup.net

Lyon : classement sans suite de la plainte contre les flics qui ont repprimé des supporters pro algériens
Les 22 juin et 21 juillet 2014, à Lyon, lors des fêtes suite aux matchs de Coupe du Monde de l’Algérie, des supporters pro algériens sont chassés du centre-ville à coups de canons à eau et de jets de grenades lacrymogènes, beaucoup d’entre eux sont tabassés notamment dans le quartier de la Guillotière et sur le pont Wilson. Une enquête est ouverte suite à la diffusion d’une vidéo de l’intervention policière et au dépôt d’une plainte, mais la police et le parquet de Lyon viennent de classer l’affaire sans suite sous le prétexte totalement fallacieux que cette vidéo aurait été « truquée » (un internaute a repris la vidéo d’origine en dupliquant 3 fois un coup de pied donné par un policier). Quant au fond c’est-à-dire les coups de pied au visage alors qu’il était à terre qui avaient amené l’auteur de la plainte, Omar, à réagir, le coup était « un geste technique » « totalement justifié », d’après le procureur.

Tant qu’il y aura des bouilles
Dans le Tarn le projet de construction du barrage de Sivens situé dans la zone humide du Testet, projet inadapté et au coût environnemental et financier très élevé, a soulevé une forte opposition. La mobilisation ne faiblit pas, de nombreux militants occupent le terrain. Face à eux, l’État et ses gardes mobiles multiplient les violences depuis plusieurs semaines pour tenter de casser la contestation. flash-ball, lacrymo, grenade de désencerclement, tout y passe. Ainsi les descentes se multiplient sur les lieux de vie comme à la maison des druides : « Les gendarmes équipés “anti-émeute” arrivent en courant, frappent, tabassent, insultent, menacent, humilient, volent, cassent ce qu’ils peuvent, brûlent le reste et jettent des grenades lacrymogènes dans la maison. Beaucoup de matériel collectif de la ZAD et des affaires personnelles de cinq personnes ont été brûlées : cartes d’identités, cartes bancaires, téléphones, livres, duvets, matelas, sacs à dos, outils,… »
Infos : https://tantquilyauradesbouilles.wordpress.com/

C’est ça la France !
Raymond Gurême, 89 ans, rescapé des camps Raymond Gurême est un résistant et l’un des derniers survivants de l’internement des « tsiganes et forains » en France pendant la Seconde Guerre mondiale, il a été durement frappé par la police lors d’une intervention sur son campement le 23 septembre.
http://www.depechestsiganes.fr/raymond-gureme-89-ans-rescape-des-camps-victime-de-violences-lors-dune-intervention-policiere/

Clôtures pour chefs d’État recyclées à Calais
La coopération internationale est en marche. À condition qu’on ne parle pas de la lutte contre le chômage, de la misère et de la faim ou de la maladie. En revanche la coopération policière c’est nickel. Les attaques des fascistes contre les soutiens aux migrants de Calais ne suffisant pas, le ministre de l’Immigration britannique est venu donner un coup de main. Il offre généreusement les 20 km de barrières métalliques de 3m de haut pour « sécuriser » le port de Calais face aux migrants. C’est une « occase », elles avaient déjà servi pour protéger Obama et les 60 chefs d’État lors du sommet de l’Otan, tenu en septembre à Newport.

No one is illegal
Du 13 au 26 octobre partout en Europe une vaste opération policière va avoir lieu afin de pister et d’arrêter un maximum de migrants (18 000 policiers surtout déployés dans les gares, trains, aéroports, autoroutes…). Tout ceci dirigé par les pays de l’UE, les États membres de Schengen, Frontex (une agence qui gère la surveillance et le contrôle des frontières) et Europol (police intergouvernementale contre le crime organisé, le trafic de stupéfiants et surtout le terrorisme). Encore une fois on fait peur dans les chaumières avec les trafiquants et autres terroristes pour rendre ce genre d’opération légitime. Défendons la liberté de circulation !



> [ R I P O S T E dans les quartiers populaires ]

Vendredi 5 septembre, un groupe de 20 personnes aurait tiré au mortier et jeté des pierres sur une voiture de police qui patrouillait dans le quartier du Val Fourré à Mantes-la-Jolie dans les Yvelines. On n’en sait pas plus, mais c’est déjà parlant.
Samedi 13 septembre, 200 personnes ont manifesté dans les rues de Die dans la Drôme pour dénoncer les violences policières à l’appel du collectif L’assemblée populaire de Die ; ce collectif a été créé le lendemain du 14 juillet suite à la répression d’un rassemblement par les gendarmes à coup de gaz lacrymos et à l’interpellation brutale de deux personnes qui ont ensuite été accusées d’outrage et rébellion (en attente de leur procès en appel), et organise des réunions ouvertes à tous toutes les semaines dans un square. Parmi les slogans scandés « veuillez gérer votre violence autrement qu’en nous tapant dessus »



> [ A G I R ]

Semaine contre les violences policières et le racisme d’État
du 10 au 19 octobre à Lyon : concert, projections, débats, mais aussi manif de nuit le 17 en mémoire d’octobre 1961. Extrait de l’appel : « Les immigrés et leurs descendants ne sont pas les post-colonisés, ils sont toujours les damnés du béton, des grands ensembles, des bidonvilles que les garants de l’ordre raciste peuvent toujours tuer sans être inquiétés. “Morts naturelles” au commissariat, “accidents routiers” de personnes prises en chasse par la police […] Parmi ces morts combien ne sont pas noirs, arabes, immigrés, enfants d’immigrés ou insurgés ? Quelle que soit la “couleur politique” des gouvernants, la couleur de l’épiderme reste toujours un aspect déterminant de la valeur d’une vie. La France n’est dans l’ère post-coloniale que dans ses mensonges institutionnels, médiatiques et scolaires ».

Permis de tuer. Chronique de l’impunité policière
à lire aux éditions Syllepse « En France, la peine de mort a été abolie en 1981, mais le permis de tuer existe toujours. […] Dans cet ouvrage, six histoires de luttes récentes pour établir la vérité et obtenir justice sont rassemblées. Elles sont racontées directement par les proches […] confrontés au mur de silence étatique et à la souffrance, qui ont la force de s’exprimer et le courage de se mobiliser. »

Défendons « Jean Patrick Gille »
« De l’argent, il y en a, construisons de nouveaux droits ». C’est la banderole qui a été accrochée le 18 septembre sur le chantier de l’Hôtel de luxe Le Lutetia à Paris, occupé par l’assemblée des chômeurs, précaires, intermittents, intérimaires, avec ou sans papiers (CIP), contre l’accord sur l’assurance-chômage. Un des occupants « Jean-Patrick Gille » a arrêté, sous l’accusation mensongère de « violences en réunion », libéré sous « contrôle judiciaire » (interdiction de manifester, par ex !). Rassemblement le 31 octobre à 13h30 devant le TGI de Paris, 4 bd du Palais, Chambre 23-1, métro Cité.