Culture en bunker au Luth

bulletin numero 114 - Decembre 2012


9 décembre 2012


Culture en bunker au Luth

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 114 / Décembre 2012


- Culture en bunker au Luth

- Rapport sur les ZUS

- [ R I P O S T E dans les quartiers populaires ]
Tours – Montpellier - Massy -Toulouse
Mahamadou Maréga
Nabil Mabtoul

- [ L A P R I S O N T U E ]
« Ma cliente est morte comme un chien » Me Servane Crosnier

- [ C H R O N I Q U E D E L ’A R B I T R A I R E ]
Refus de mesures sécuritaires
Police politique
La nouvelle garde à vue est arrivée… camouflée en « retenue » !
Et aussi la nouvelle circulaire de gôche
Révoltes à Nauru

- [ A G I R ]
Zone À Défendre !
Pétition Vie Volées
« Nique la France ! »
« Sous-Surveillance »
Relaxe pour les quinze postiers des Hauts de Seine !
Contre le Forum Européen pour la Sécurité Urbaine




Culture en bunker au Luth


Dès la formation du réseau « Résistons ensemble contre les violences policières et sécuritaires » en 2002, son bulletin mensuel, facilement reproductible, est diffusé un peu partout par qui l’apprécie. Dans le quartier du Luth à Gennevilliers (92), il est distribué aux alentours du centre commercial animé au cœur de la cité, un lieu de vie, modeste mais familier, les gens s’y rencontrent, échangent. La diffusion de chaque nouveau numéro est donc l’occasion de discussions enrichissantes.
Ces 10 années de présence régulière ont permis au bulletin d’être le témoin de la complète mutation du quartier. Métro et tramway arrivent maintenant aux portes de la cité. Les longues barres d’habitations ondulées ont été creusées, dégageant de larges voies de circulation. Les abords des bâtiments sont découpés en zones fermées avec digicode, vidéosurveillance… Des espaces verts fleurissent derrière de larges grilles qui les rendent inaccessibles. Dans le petit centre commercial des murs de parpaings gagnent du terrain avec la disparition progressive des commerçants de proximité priés de dégager : c’est « Sarajevo » nous explique-t-on… Plus de place où les chibanis et les jeunes s’assoient et discutent. De futurs appartements en accès à la propriété sont en construction et le prix des loyers explose. Aux abords, un énorme cube de béton de plusieurs étages sort de terre : on apprend que c’est un futur centre culturel ultra design en complet décalage avec les besoins des actuels habitants. Les murs lisses ont pour seules ouvertures des sortes de longues entailles horizontales qui font penser à des meurtrières.
Ce qui se présente comme un « progrès » n’arrive pas à masquer l’impératif sécuritaire. En rendant les lieux inhospitaliers pour les groupes perçus comme dangereux, il s’agit de faciliter la gestion policière du quartier. La poudre « culturelle » est là pour faire passer la pilule, une forme de « culture » officielle et institutionnelle, qui voudrait s’imposer au détriment d’autres formes plus vivantes. Un alibi « culturel » qui est aussi un faire-valoir pour la spéculation immobilière. Alors à qui profite le nouveau paysage ? Sûrement pas aux bourses les plus modestes sommées d’aller voir ailleurs si elles n’arrivent pas à supporter les augmentations de loyer. Cette « revalorisation » anti-pauvres de la cité pilotée par la municipalité PCF, est un cas d’école mais n’est pas un cas unique, elle accompagne une volonté nationale. Ainsi une circulaire gouvernementale réclamait en 2010 la généralisation des « études de sécurité publique » pour chaque projet de rénovation urbaine.

Rapport sur les ZUS
Le gouvernement de « gauche PS et VERT », par la voie des ministres de l’intérieur et de la justice, lance quarante-neuf nouvelles zones de sécurité prioritaire (ZSP). Les arguments avancés sont, comme toujours, de lutter contre la délinquance, les trafics de tout genre, voire les incivilités. Une troisième tranche de cinquante zones est prévue pour 2014. Or dans ces zones, il y a 36% de pauvres, 22% d’allocataires de la caf. Le chômage est d’environ 23%, 40,70% chez les jeunes. Le groupement « PS - VERT » poursuit la même politique sécuritaire que la droite. Les vrais problèmes de ces zones urbaines sont économiques et sociaux.

> [ R I P O S T E dans les quartiers populaires ]

Comme tous les mois, les ripostes face à la police chargée de surveiller et de mater les habitants des quartiers populaires ont été nombreuses. Voici celles dont nous avons eu vent.
Fin octobre, des groupes de jeunes des quartiers Sanitas et Fontaines de Tours ont pendant une semaine défié la police puis la compagnie de CRS venue en renfort, bilan de cette mini-émeute : voitures, surtout celles de la police, incendiées (plus de 25) et caillassées et seuls 5 émeutiers interpellés dont 4 ont été condamnés en comparution immédiate.
Le 5 novembre, quartier du Petit Bard à Montpellier, une voiture de la BAC a été caillassée, un mineur a été placé en GAV ; les 3 policiers à bord de cette voiture ont ensuite été encerclés et malmenés : l’un d’entre eux s’est retrouvé à l’hôpital avec une fracture du genou, 2 jeunes de 18-19 ans ont été interpellés, l’un d’eux est accusé d’« outrages et menaces de mort envers agent dépositaire de l’autorité publique ».
La nuit du samedi 10 novembre, à la sortie d’un centre culturel du quartier des grands Ensembles à Massy où s’était déroulé un concours de chant, une voiture de police patrouille, des jeunes la caillasse avant de rentrer chez eux dans le quartier voisin des Baconnets à Anthony. La police les y poursuit : 3 d’entre eux sont interpellés.
Les 27 novembre à Empalot, quartier populaire de Toulouse, des voitures de police ont là aussi été caillassées, le lendemain, des jeunes gens ont affronté la police, lançant des « projectiles incendiaires » depuis les coursives, les flics ont répliqué par des jets de lacrymos et des tirs de flashball. Un homme a été interpellé pour les caillassages : 6 mois de prison, dont 3 avec sursis.

Mahamadou Maréga
est mort plaqué, face contre le sol d’un ascenseur par plusieurs policiers, pieds et mains liés. Il a été asphyxié au gaz lacrymogène, électrocuté par 16 tirs de Taser dont plusieurs en contact direct et matraqué à sang par 17 policiers venus l’expulser de son domicile. Deux ans après la justice a prononcé un non-lieu… la famille a fait appel. C’est dans ce contexte que le samedi 1er décembre une cinquantaine de personnes se sont rassemblées à Colombes. Malgré les pressions de la police venue en nombre, des dizaines de véhicules présents aux abords, et de la préfecture cherchant à interdire l’évènement, la manifestation a bien eu lieu. Au son de « la police assassine, la justice complice », « vérité et justice pour Mr Marega » le cortège s’est rendu jusqu’à la gare de Colombes.

Nabil Mabtoul
est mort d’une balle tirée par un policier de la BAC lors d’une course-poursuite le 29 juin 2012 à Millau. Le flic a été mis en examen pour « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Le dimanche 11 novembre, l’association de soutien à la famille de Nabil Mabtoul tenait une réunion-débat, un moment d’émotion et de colère. Les nombreuses personnes présentes ont ensuite entamé une marche vers le lieu du drame. Une manifestation contre l’oubli, demandant que la lumière soit faite sur cette affaire, la démission du patron du commissariat de Millau et la dissolution de la Bac locale. On pouvait lire sur une banderole : « Un homme en tue un autre, 20 ans de prison. Un flic tue Nabil, 2 jours de garde à vue ».

> [ L A P R I S O N T U E ]

« Ma cliente est morte comme un chien » Me Servane Crosnier
Gordana Jovanovic est morte dans la nuit du 2 décembre dans une cellule de la MAF de Fleury. La veille, sa codétenue et elle-même avaient prévenu l’AP qu’elle se sentait très mal, qu’elle avait une forte douleur à la poitrine et des fourmillements dans le bras gauche… Les surveillants les ont enfermées dans leur cellule, indiquant qu’il n’y avait plus de médecin dans la prison ! Toute la nuit, sa codétenue a appelé au secours, voyant Gordana mourir lentement devant elle. Le passage d’un gradé à 23 heures n’y changera rien : le pire est arrivé, l’AP et le corps médical ont laissé une femme angoissée au chevet d’une mourante sans rien faire pour la sauver. Dès le lendemain, les prisonnières ont refusé de remonter de promenade, protestant ainsi contre une non-assistance à personne en danger. La seule réponse de la direction a été d’envoyer les ERIS, de transférer 3 prisonnières et de faire pression sur les autres pour qu’elles ne dévoilent rien aux médias… Le compagnon de Gordana et sa codétenue ont porté plainte pour que ce décès ne finisse pas dans les macabres statistiques des si nombreuses morts en détention. Ni son compagnon, ni son amie, ni son conseil n’ont l’intention de baisser les bras.

> [ C H R O N I Q U E D E L ’A R B I T R A I R E ]

Refus de mesures sécuritaires
Côté éducation nationale, ce sont les parents d’élèves du collège Robert Lasneau de Vendôme (41) qui ont lancé un mouvement de refus du système biométrique de contrôle d’accès à la demi-pension que la direction de l’établissement a voulu leur imposer par un coup de force. Le syndicat Sud Education 92 a ,quant à lui, produit un communiqué visant à dénoncer l’installation des APS (agents prévention sécurité, équivalents de « gôche » des « équipes mobiles de sécurité » initiées sous Sarkozy voir RE 112) et appelé les enseignants à refuser le recrutement de ces APS en conseil d’administration, fournissant un modèle de motion de refus téléchargeable sur le site de RE .

Police politique
À Paris, le PS a déposé plainte contre X pour la dégradation de dix antennes d’arrondissement dans le cadre de la lutte contre l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes. Une enquête est en cours. Le 16 novembre à 1h du matin deux personnes se trouvant à proximité d’une permanence du PS du 12e, taguée et couverte d’affiches contre l’aéroport sont arrêtées pour « outrage » envers Ayrault (du fait de la mention « Ayrault-porc » inscrite sur la permanence). Elles sont placées en garde-à-vue dans les locaux du Service d’Investigation Transversale pour 62 heures. Le SIT fait ici la police politique, n’ayant aucune charge sérieuse pour des tags au marqueur. Le procès est prévu pour le 16 janvier. Le 21, trois autres personnes sont arrêtées dans la rue pour des tags solidaires avec la ZAD. Directement conduites et interrogées dans les locaux du SIT, elles sont relâchées au bout de deux heures sans suite (mais en attente d’un visionnage de bandes vidéo). Prudence et vigilance donc.

La nouvelle garde à vue est arrivée… camouflée en « retenue » !
Le Sénat a voté une « retenue » de 16 heures pour remplacer la garde à vue déclarée illégale pour simple défaut de papiers. Nouvelle mesure répressive, proposée par Valls, chaleureusement approuvé par l’UMP : « Nous voterons ce texte à la fois parce qu’il est nécessaire, mais aussi parce qu’il correspond à ce qu’il faut faire pour que l’État de droit soit respecté par tous ». Une belle unité PS-UMP dans la guerre xénophobe.

Et aussi la nouvelle circulaire de gôche
L’équipe Hollande-Valls fait dans les essentiels du Sarkozy pur beurre pur sucre. 30 000 expulsions annuelles, l’objectif sarkozien reste son but. Violences policières, familles et vies brisées, peu importe, la gôche promet d’être impitoyable. Quant aux régularisations, le pouvoir envisage le même nombre, 30 000 comme sous Sarkozy, pas un de plus. Il faut une loupe très grossissante pour voir des avancées par rapport à Sarkozy. Normal. Les stratèges du PS voient plus loin. La nouvelle majorité UMP-PS formée autour de la répression des étrangers réveille les appétits des « socialistes ». Si jamais l’UMP pète, il y a des voix à récupérer espèrent-ils.

Révoltes à Nauru
Avec son accord, l’État de Nauru (île du Pacifique) est depuis septembre de nouveau utilisé par l’Australie comme camp insulaire extraterritorial d’enfermement pour les demandeurs d’asile. Près de 400 sans-papiers y ont alors été transférés. Depuis les actes de résistances se multiplient, révolte, grève de la faim massive (environ 300 participants) refusant leur déportation sur Nauru, les conditions et la durée indéfinie (de plusieurs jours à des années) de leur rétention…
Au passage, en France, dans la nuit du 20 au 21/11, 7 personnes se sont évadées du camp de rétention de Vincennes pourtant hyper sécurisé. Bonne route à elles !

> [ A G I R ]

Zone À Défendre !
Notre-Dame-des-Landes à quelques kilomètres de Nantes, la mobilisation qui fait du bruit face au projet d’un aéroport international est remarquable : agriculteurs, habitants squatteurs… la protestation converge de plusieurs horizons avec force et détermination. D’autant plus remarquable que l’État multiplie les actes de répression. Infos et mobilisations à venir : http://zad.nadir.org

Pétition Vie Volées
Les familles du collectif « Vies Volées » lancent une pétition pour la « création d’une commission d’enquête sur les décès lors d’ interpellations policières » http://www.change.org/viesvolees

« Nique la France ! »
Le rappeur Saïdou du groupe Z.E.P. et le sociologue Saïd Bouamama sont mis en examen pour « injure publique » et « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » En cause un livre et un refrain « Nique la France et son passé colonialiste, ses odeurs, ses relents et ses réflexes paternalistes / Nique la France et son histoire impérialiste, ses murs, ses remparts et ses délires capitalistes. » http://petition.lesinrocks.com/devoirdinsolence/

« Sous-Surveillance »
Deuxième réunion nationale contre les caméras de vidéo-surveillance à Paris les 8 et 9 décembre 2012.

Relaxe pour les quinze postiers des Hauts de Seine !
On leur reproche d’avoir séquestré le directeur des ressources humaines. Le procès aura lieu les 12, 13 et 14 décembre. La pétition ici : http://www.relaxepourles15.rezisti.org

Contre le Forum Européen pour la Sécurité Urbaine
Manifestation à Saint-Denis (93) pour s’opposer à l’idéologie sécuritaire, la stigmatisation et la destruction des quartiers, les crimes et les violences policières. RDV mercredi 12 décembre à 19h, devant la basilique de Saint-Denis (métro 13, Basilique de Saint-Denis).