Ne pas crier au loup… même si on en voit la queue

bulletin numéro 93
janvier 2011


8 janvier 2011


Ne pas crier au loup… même si on en voit la queue

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 93 / janvier 2011


- Ne pas crier au loup…
… même si on en voit la queue
- LOPPSI 2
- Pour les rroms c’est déjà l’après loppsi 2

- [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]
Mahamadou Maréga…
Un malade tué par la police
Le flash-ball tue
Chronologie du gomme-cogne
Ils ont tous été mutilés, l’œil crevé par un tir de flash-ball
Les 7 malfaiteurs d’Aulnay-sous-Bois
Portefeux souffle sur le feu
Sécurité européenne
A bas la dictature en Tunisie




Ne pas crier au loup…
… même si on en voit la queue

Au moment du vote de la nouvelle loi « sécuritaire » la LOPPSI 2, 200 personnes se sont rassemblées devant l’Assemblée Nationale à Paris. Des protestations plus dynamiques ont eu lieu et ont encore lieu en province. On a surtout entendu des critiques contre une des mesures odieuses de cette loi, à savoir, celle qui vise les nomades, les habitats précaires, les squatters… mais rien ou trop peu contre d’autres mesures comme celle qui prévoit le retour de la double peine visant des « criminels de nationalité étrangère », LOPPSI 2 regorge pourtant de mesures liberticides, répressives, criminalisant pauvres et étrangers. Quant à la soi-disant « principale force d’opposition », le PS, il reproche à LOPPSI 2 son côté « bric-à-brac sans vision ni moyens ». Le PS veut visiblement davantage de fric et de cohérence pour la répression. Alors pourquoi le pouvoir se gênerait ?
Il y a donc de quoi s’inquiéter. L’histoire nous enseigne que quand les habits « démocratiques » deviennent trop étroits pour la répression sociale, pénitentiaire, policière, judiciaire un autre régime s’impose. C’est ce qui s’est passé en Allemagne dans les années trente ; avec la fin du « parlementarisme », le masque démocratique est piétiné, c’est la dictature fasciste.
Aujourd’hui, même si derrière les centres de rétention se profile l’ombre des camps de concentration de demain, même si les morts entre les mains de la police, par taser, flashball annoncent la possibilité de massacres de masse, on n’y est pas encore. Aujourd’hui, on peut encore protester, manifester, faire la grève. Alors pour s’opposer à la préparation insidieuse d’une rupture fasciste dont le chemin est pavé par l’empilement des lois dites « sécuritaires », ce n’est pas la peine de crier au fascisme, comme si on y était déjà. Un tel cri glace et embrouille les possibilités de lutte. Par contre utiliser tous les moyens, même de plus en plus limités, réfléchir et agir ensemble pour priver le loup de sa queue.


LOPPSI 2
Le 21 décembre l’Assemblée adoptait la Loi d’Orientation et de Programmation pour la Sécurité Intérieure deuxième version « LOPPSI 2 ». Quelques mesures en bref :
Durcissement des peines pour cambriolage, allongement des peines plancher dès la première infraction (entre six mois et deux ans pour des violences aggravées passibles de trois à dix ans de prison), la période de sûreté pour les meurtriers de policiers, ou autres représentants de l’Etat passe, de 22 à 30 ans, extension de l’utilisation du bracelet électronique pour les récidivistes…
La répression des mineurs se durcit. Les préfets pourront décréter un couvre-feu entre 23 heures et 6 heures du matin pour les moins de 13 ans. Un mineur récidiviste passera de la GAV au tribunal sans passer par la case du juge des enfants…
La double-peine revient aux assises pour les « criminel de nationalité étrangère »
La videosurveillance est boostée, les préfets pourront imposer son utilisation massive aux communes réticentes, au final la loi prévoit de tripler le nombre de cameras…
Contrôle d’Internet accru, mouchard sur les ordinateurs a l’insu des propriétaires. Un délit d’« usurpation d’identité sur le Net » a été créé,sous couvert de lutte contre la pornographie infantile l’Etat pourra contraindre les fournisseurs d’accès FAI à bloquer certains sites sans que ce soit rendu publique…
En matière de logement, les expulsions sont facilitées, sous 48 heures sur décision du préfet et sans passer par un juge, l’incrimination des squatters passibles d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende…
La police municipale gagne en pouvoir récupérant certaines missions conférées aux officiers de police judiciaire. Le secteur privé s’affirme, le statut des entreprises de sécurité devrait être renforcé, avec une augmentation des effectifs, la loi crée un Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS)…

En réaction de nombreuses actions et manifestations ont vu le jour dans toute la France, Angers, Besançon, Bordeaux, Clermont Ferrant, Figeac, Grenoble, Lyon, Montpellier, Nantes, Paris, Périgueux, Perpignan, Rennes, Saintes, Strasbourg, Toulouse, Tours, Valence… Un point sur les actions menées : https://squat.net/fr/news/france281210.html

Montpellier, samedi 18 décembre, les 300 personnes qui manifestent contre la loi LOPPSI 2 ont envahi le cœur de la ville. En fin d’après-midi une partie des manifestants ont défilé avec leurs « camions/maisons » dans les rues de Montpellier, c’est au moment de la dispersion que des CRS ont surgi et chargé matraquant tout sur leur passage aussi bien les personnes que les « camions/maisons ». Conclusion : pare brise, fenêtres cassés, portes et tôles enfoncées…

Le samedi 18 décembre à Rennes la manifestation anti LOPPSI 2 tourne à l’affrontement entre manifestants et forces de l’ordre. Les cognes dégainent les flash-balls et tirent à tout-va. Un jeune passant Mohammad A. est atteint en pleine figure, 13 points de sutures.


Pour les rroms c’est déjà l’après loppsi 2
Le 17 décembre à Lyon, 60 Rroms, dont des enfants et des personnes malades, se font expulser sous la neige. C’est le maire PS de Lyon qui a pris un arrêté pour « menaces à la salubrité publique » afin de permettre l’expulsion immédiatement exécutée par la police nationale.
A Lille, la Préfecture du Nord a réclamé aux associations qu’elles fournissent en échange d’un lit pour la nuit, les noms, les origines ethniques, les dates d’entrées sur le territoire et la composition des familles Rroms qu’elles suivent. De quoi constituer un fichier que la CNIL a confirmé ne pas avoir autorisé.
Dans l’agglomération grenobloise, une véritable guerre sociale faite aux Roms se déroule depuis 4 mois. Plus d’info sur : http://grenoble.indymedia.org/


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Mahamadou Maréga…
….est décédé le 30 novembre 2010 à Colombes (92) dans un ascenseur en compagnie de plusieurs policiers alors qu’il était entravé aux mains et aux pieds. Il venait d’être gazé, tazé et matraqué par ces mêmes policiers. Suite aux manifestations de Colombes et de Nanterre, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées le 29 décembre place Saint Augustin à Paris à l’initiative du collectif « Vérité et Justice pour Mahamadou Maréga », puis ont marché vers le ministère de la justice. On peut parier sur la tactique du pouvoir : comme d’habitude, épuiser les soutiens et la famille, pour arriver à un non lieu. Sauf que cette manière de protéger les crimes policiers commence à être connue, on ne peut plus se faire avoir, on doit faire éclater la vérité. Il est sûr que certains discours entendus au rassemblement, du genre : « il y a des voyous partout, pourquoi pas aussi dans la police ? » n’aident pas cette lutte. Dans cette affaire, comme dans tant d’autres, c’est l’Etat et l’institution policière qui sont mis en accusation, il ne s’agit pas de « bavures » commises par quelques « brebis galeuses » policières.
Site du collectif : http://collectif-vjp-mmarega.blogspot.com/

Un malade tué par la police
Un jeune homme de 25 ans dont la famille a alerté la police en lui indiquant qu’il souffrait de schizophrénie et qu’il était en « état de démence » (il voyait des ovnis…) a été tué dans un échange de tirs avec des policiers près de Montfermeil (93). Incapables de maîtriser un malade, nos superflics le descendent, La honte !

Le flash-ball tue
Dans un foyer Adoma (anciennement Sonacotra) à Marseille (15e), un homme de 43 ans muni d’un couteau a légèrement blessé son voisin. Des policiers interviennent dans ce conflit de voisinage. Pendant l’interpellation, l’homme, réfugié dans sa chambre, aurait balancé une tasse à la gueule d’un flic qui a aussitôt répondu par un tir de flash ball. Mostefa Ziani est terrassé. Il décèdera le lendemain, ne s’étant pas remis de ce coup fatal.

Chronologie du gomme-cogne
1995, le ministre de l’intérieur lève les restrictions concernant l’acquisition du flash-ball, sont concernés des forces spéciales comme le GIPN et notamment la BAC.
2002, dans un contexte de politique sécuritaire l’utilisation du flash-ball se généralise, dans un premier temps « à titre expérimental » on en dote les flics « affectés dans les quartiers difficiles » ;puis les révoltes de 2005 servent de prétexte, à un développement de son usage pour toutes les « violences urbaines ».
En 2007, alors que forces de l’ordre critiquent le manque d’efficacité de cette arme, les révoltes de Villiers-le-Bel serviront à nouveau de prétexte à l’introduction progressive d’un flash-ball plus puissant, le lanceur de balles de défense 40 (LDB 40).

Ils ont tous été mutilés, l’œil crevé par un tir de flash-ball
Juillet 2005 aux Mureaux, Sekou 14 ans durant l’évacuation d’un appartement squatté (RE33) ; octobre 2006 à Clichy-sous-Bois, Jiade 16 ans en rentrant chez lui a proximité d’une interpellation (RE47) ; novembre 2007 à Nantes, Pierre 17 ans occupant le rectorat (RE59) ; mars 2009 à Toulouse Joan 25ans, bloquant un supermarché pour une redistribution de nourriture (RE74) ; mai 2009 à Villiers-le-Bel deux jeunes gens de 21 et 31 ans pendant un barbecue de quartier (RE76) ; juillet 2009 à Montreuil Joachim, 35 ans, manifestant contre la l’expulsion d’un squat (RE78) ; mars 2010 en Martinique, le jeune Dean lors d’un contrôle routier (RE85) ; avril 2010 à Tremblay un adolescent lors d’un contrôle policier (RE87) ; mai 2010 à Villetaneuse, Nordine, 27 ans, tentant de calmer des policiers (RE87) ; octobre 2010 à Montreuil, Geoffrey 16 ans bloquant son lycée durant la lutte contre la reforme des retraites (RE#91)…

Les 7 malfaiteurs d’Aulnay-sous-Bois
Le 10 décembre 7 flics d’Aulnay-sous-Bois ont été condamnés à des peines de 6 mois à 1 an de prison ferme, pour 5 d’entre eux la peine a été inscrite au casier ce qui signifie leur radiation de la police. Le parquet a fait appel. Les faits datent de Septembre : ces 7 policiers ont menti pour se couvrir en accusant dans un PV le conducteur d’une voiture qu’ils poursuivaient d’avoir percuté l’un d’entre eux alors qu’en réalité c’était une 2ème voiture de police qui était à l’origine de l’accident. L’homme accusé à tort a été mis en GAV et risquait la prison à perpétuité pour tentative d’homicide sur fonctionnaire de police avant d’être innocenté. Selon les journaux, ces 7 policiers ont été dénoncés par leur hiérarchie, ce qui suppose qu’ils étaient surveillés. Mais avant cela, combien d’innocents ont dérouillé ? Combien les 7 ont-ils « monté » de dossiers d’outrage et rébellion et fabriqué de « délinquants » ? Et quand il s’agit de policiers c’est encore plus facile car dans le « sarkoland » tout leur est permis alors pourquoi se gêner ? D’ailleurs Hortefeux le reconnaît en prenant leur défense : « notre société ne doit pas se tromper de cible », la peine qu’encourent les 7 est « disproportionnée » car l’ensemble des policiers ne font qu’ « exercer leur mission de façon courageuse ».

Hortefeux souffle sur le feu
Le pote à Sarkozy attise, c’est son rôle.
A Grenoble il inaugure l’« Unité mixte d’intervention rapide » (UMIR), un « laboratoire » sécuritaire dit-il. Flics, gendarmes, BAC et en plus une équipe cynophile. Il ne manque que les blindés dont dispose la gendarmerie.
Puis il porte plainte contre le site Indymedia Paris pour avoir publié des photos de flics en civil. Selon lui ce site est « irresponsable » « indigne ». Mais les morts, les visages abimés à cause des flics ça c’est « responsable » et « digne » ? Solidarité avec Indymedia Paris !
(A lire le numéro spécial de RE « Œil sur la police, Ils nous contrôlent, contrôlons-les ! », septembre 2007, http://resistons.lautre.net/spip.php?article354, sur les questions légales, l’expérience des Black Panthers etc…)

Sécurité européenne
La Commission de Bruxelles planche en ce moment sur une coordination des priorités et moyens pour la sécurité intérieure européenne, où la « lutte contre les réseaux criminels transfrontaliers, les groupes terroristes et les cybercriminels » sert à renforcer le contrôle général des populations. Pour monter une banque de données sur les passagers et contrer la corruption (ha ha), ainsi que pour repérer les flux financiers douteux (ha ha ha, sus aux comptes offshore des politiciens, patrons et mafieux mêlés, bien sûr). Il s’agit aussi de mieux contrôler les transports aériens et terrestres, ainsi que les frontières extérieures avec un système commun de surveillance dit « Eurosur » dès 2011, et un accès pour l’agence Frontex à un réseau de données sur les personnes entrant et sortant de l’Union. En voici un avant-goût avec le « Contrôle Frontière Automatisé » réservé aux ressortissants de l’Union et aux étrangers en règle avec elle (les mesures biométriques sont depuis longtemps appliquées aux sans-papiers) : un gentil petit local aux aéroports d’Orly et de Roissy pour commencer, avec des dizaines de dépliants expliquant que « dans le cadre du plan de modernisation de l’Etat, le programme Parafes vous permet le contrôle automatisé de votre passeport grâce à votre empreinte digitale ». Avantages ? « File de passage dédiée, gain de temps au départ et à l’arrivée, et autonomie complète ». La novlangue à son sommet : la guerre c’est la paix, et la surveillance totale c’est l’autonomie complète. Allez voir sur www.parafes.immigration.gouv.fr.

A bas la dictature en Tunisie
La police municipale a confisqué sa marchandise à Mohamed Bouazizi 26 ans, chômeur diplômé réduit à vendre des légumes sur le marché, le 17 décembre il s’asperge d’essence et craque une allumette face à la préfecture de Sidi Bouzid, il décède le 4 janvier. Dans la région puis dans tout le pays, le peuple tunisien sort dans les rues : manifestations, grèves et occupations quotidiennes. La police de Ben Ali et de sa clique interpelle, incarcère, torture, gaze, matraque et tire à balles réelles sur la foule tuant deux manifestants. Solidarité avec la révolte tunisienne !