14 janvier 2008


Il y a peine un an, Jonathan, grapheur a décédé à Montpellier....


Texte pris sur le site de Jonathan : http://zokasmb.free.fr

Voici le site que nous avons fait pour Jonathan, notre frère, alias
Zoka. Jonathan graffait sur un toit de Montpellier la nuit du 28 janvier
2007. Une intervention de la police a lieu, il est retrouvé inanimé dix
heures plus tard gisant sur une terrasse. Treize jours de coma, il est
décédé le 9 février 2007...

Il est important de revenir sur les faits et sur tout le flou et les
questions autour de sa chute. Les articles de presse sont explicites
mais ne montrent qu’un côté de l’histoire, retranscrivant seulement la
version de la police...

En octobre 2006, Jonathan se fait choper un soir en train de graffer
avec un "copain". 39 heures de garde à vue où Jonathan ne peut mêmepas
avertir ses proches, le mec avec lui le balance, les flics n’hésitent
pas à utiliser des méthodes violentes et humiliantes pour le faire
parler. Comparution immédiate où Jonathan est encore humilié par les
propos du procureur qui entre autre le qualifie de « délinquant
terroriste ». Reconnu coupable pour deux graffs, Jonathan prend deux 12
mois de prison avec sursis . Mais le procureur acharné fait appel et
obtient 12 mois de prison dont 3 mois fermes.
En mars 2007, il était convoqué au tribunal, poursuivi cette fois-ci par
la ville.

Comme Jonathan travaille, le juge d’application des peines remplace les
3 mois fermes par 3 mois de bracelet électronique, qu’il effectue d’août
à octobre 2007.

La belle ville de Montpellier qui se dit de gauche semble surtout
préoccupée par l’image de sa ville et semble bien déterminée à mettre en
œuvre les moyens pour se débarrasser des tagueurs mais reste très
laxiste quant aux affichages sauvages publicitaires dans l’écusson !
Elle se lance dans une lutte anti-tag et fait appel à la délation,
projet clairement formulé sur le site de la ville.

Jonathan savait le risque qu’il prenait à graffer, celui de la prison et
c’était sa grosse hantise de se retrouver derrière des barreaux 9 mois
avec des gens qui pour la plupart avait fait du mal à autrui.
Il n’imaginait pas pouvoir chuter, parce qu’il restait prudent, en
repérant toujours bien avant les toits et les dangers qu’ils
présentaient, et ce toit plat il le connaissait bien..

Jonathan trouvait dans le graff un bien-être, un épanouissement, il n’a
pas réussi à abandonner sa passion.
Ce soir du 28 janvier 2007, Jonathan avait certes un peu bu, mais
n’était pas complètement saoul comme peuvent le laisser entendre les
journaux. Il escalade un mur par les lettres du cinéma du Diagonal avec
un pote, un troisième pote reste en bas.
Il graffe SMB...
Et dans cette ville pour surveiller la population dérangeante, il y a
des caméras de surveillance, qui repèrent alors vite Jonathan.
Entre temps, son copain redescend. La police de la Brigade Anti Criminel
arrive et embarque les deux potes de Jonathan en garde à vue. Mais ces
flics ont soif cette nuit-là, ils appellent les pompiers et font appel à
leur échelle pour arrêter Jonathan sur les toits. L’échelle met 45
minutes à arriver, mais ils ne renoncent pas à leur arrestation car ils
savent qu’il n’y a pas d’autre issue sur ce toit, la pêche sera bonne...

Trois policiers et deux pompiers montent sur le toit... Et là le flou
commence... Alors que toute l’intervention est jusque là enregistrée par
les services de la police, il n’y a aucune bande son de ce moment
précis. Silence radio pendant toute leur présence sur le toit.

La version officielle de la police est qu’en arrivant sur le toit, ils
n’ont vu personne et se sont dit qu’il avait dû s’échapper par
ailleurs... Alors ils sont redescendus bredouilles au bout de dix minutes.

La version des pompiers que nous sommes allés rencontrer est différente.
Les pompiers affirment qu’ils ne voulaient pas assister à l’arrestation
et sont donc restés sur le premier toit en attendant pendant 30 minutes.
Et de plus ils avaient peur car le toit était extrêmement dangereux.
Nous sommes allés sur le toit jusqu’à l’endroit où Jonathan a été
retrouvé, il est plat et sans aucun danger. Depuis quand les pompiers
ont le vertige ?

Jonathan va rester 10 heures dans le coma, gisant sur une terrasse, seul
. Il est retrouvé à 13 heures le dimanche 28 Janvier 2007.
A ce même moment, la police interrogeant les deux potes de Jonathan en
garde à vue, apprennent l’hospitalisation. Ils libèrent immédiatement
les deux jeunes, sans suite.

Jonathan survit treize jours dans un coma profond... Service de
réanimation, visite autorisée une heure par jour pour seulement quatre
personnes... Désespoir, angoisses, espoirs... Tout s’effondre.

Jonathan décède le 9 février...

La mairie de Montpellier nous contacte pendant le coma de Jonathan pour
annuler le procès de mars 2007, sentent-ils qu’ils sont allés trop loin
dans leur répression ? On ne le saura pas, la mairesse refuse tous les
rendez-vous qu’on lui demande.

Nous rencontrons un avocat qui affirme après consultation du dossier de
police que l’affaire « ne sent pas bon »... Mais porter plainte contre
la police est peine perdue, aucun avocat ne voudra défendre cette
affaire nous assure t il. Une contradiction énorme entre les moyens
employés et l’abandon de leur objectif d’arrestation . Que s’est il passé ?

Tous les articles de presse ont beaucoup insisté sur l’alcoolisation de
Jonathan aux moments des faits. Dès son entrée à l’hôpital les tests
sont faits : prise de sang, prélèvements des cellules ; les résultats
sont clairs, Jonathan n’avait pas d’alcool dans le sang.

Puis nous avons rencontré le procureur, nous avons demandé une enquête
par l’IGPN, mais l’affaire a été classée sans suite pour manque de
preuves.. La version officielle se résume à deux mots : “chute
accidentelle”. Aucun élément aujourd’hui n’étaye cette conclusion.
Les policiers et les pompiers n’ont pas été réellement interrogés
puisque même nous, nous avons détecté une divergence de témoignages. Les
policiers ont juste fait un rapport de leur intervention « de routine ».
Peut-être n’ont-ils pas les mêmes méthodes pour interroger les graffeurs
et leurs propres agents...

Des tas de questions nous hantent. Quand nous demandons au procureur si
les policiers de la BAC sont équipés de » tazer », il nous regarde,
étonné : « Un tazer, qu’est ce que c’est, je ne connais pas ».

Un an après, il faut vivre avec la mort de Jonathan, la douleur, le
manque, le traumatisme de son accident...

Mais nous sommes impuissants, parce que le pays est dirigé par notre
ancien ministre de l’Intérieur, parce que la police est protégée, parce
que les individus qui dérangent sont mis sur le banc des accusés.
Quelques jours avant sa chute, Jonathan avait fait une toile « La police
tue les artistes, qui sont les terroristes ? »

Tous ces points d’incertitude autour du décès de Jonathan appelleraient
logiquement à une véritable enquête.
A qui s’adresser ? Ecrire au président de la République ? Aux dernières
nouvelles, lui, il célèbrerait son mariage le samedi 9 février...

C’était un fait divers, d’hiver 2007. Un acharnement de la ville, une
intervention de la police et nos vies brisées...
...Jonathan, tu nous manques...

Moïra G. le 10 janvier 2008

En hommage, à Jonathan, une marche sera organisée le Samedi 9 Février 2008, l’heure et le lieu ne sont pas encore déterminés, voir sur le site : http://zokasmb.free.fr

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Sur Jonathan lire aussi l’article paru dans Résistons ensemble n° 52, avril 2007 sur Jonathan, sur notre site :
http://resistons.lautre.net/article.php3?id_article=334