bulletin no 14 janvier 2004


6 janvier 2004


1984 - 2004

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 14 / janvier 2004


- 1984-2004
- Nouveau ! Des fichiers de passagers d’avion en libre accès…
- Avec Navigo… comme si vous y étiez déjà
- Roissy et immigration : équation brutale !

- [Sur le vif]
La Marche pour l’égalité saluée aux Minguettes !

- [Chronique de l’arbitraire]
Et encore un ! Le délit de mégaphone :
Comment est mort Sofian ?
Mouvement étudiant : négociations refusées - medias muselés
Harcèlements policiers et judiciaires
Les policiers qui mentent,

- [Agir]
Educateurs de rue, pas informateurs de police !
C’est le tour d’une maman Rom de Montreuil…



1984-2004

Sous le titre de "1984", l’écrivain britannique George Orwell, dans son roman visionnaire, a prédit l’avènement d’une société dictatoriale, basée sur la surveillance et le contrôle global des corps et des esprits de chaque individu. En 1984 il manquait encore aux Etats les possibilités techniques pour réaliser les visions terribles d’Orwell. Cette nouvelle année 2004, en revanche, nous promet beaucoup. Grâce à la technologie, les rêves les plus fous des gouvernements policiers sont réalisables. En octobre 2004 pour, se rendre aux USA chacun devra disposer de son passeport avec au moins deux éléments d’identification biométriques. La "numérisation de l’administration", c’est à dire le fichage électronique (empreintes informatisées, reconnaissance faciale ou par l’iris) est "une des priorités… depuis plus d’un an" déclare Sarkozy. À Roissy la biométrie est déjà testée, les visas seront délivrés avec deux éléments biométriques à partir de 2004-2005. Ce projet a un élément raciste :comment caractériser un visage, dans son optique, sinon par la couleur de la peau ? De plus, le développement des puces à radiofréquence ouvre la voie aux contrôles d’identités à distance. Associé à la vidéo surveillance, une autre priorité municipale et gouvernementale, on pourra enregistrer, contrôler tout le monde sans que les gens s’en aperçoivent…
Mais les "honnêtes gens" n’ont rien à craindre - nous dit-on. Justement si. Les escrocs d’en haut sont déjà impunis, en revanche les vrais honnêtes gens : chômeurs, précaires, jeunes, enfant d’immigrés, sdf, squatters, militants politiques et associatifs, syndicalistes… tout ce qui bouge et lutte est visé. Alors 1984 en 2004 ? Non à la violence étatique !



Nouveau ! Des fichiers de passagers d’avion en libre accès…

…pour les services secrets américains. Pour un début, ça n’a pas raté. À la veille de Noël la ligne Paris - Los Angeles d’Air France est bloquée… Des terroristes attaqueraient Los Angeles ! Une semaine plus tard le FBI est obligé d’avouer : tout était bidon. Les soi-disant "terroristes", dont un enfant et une vielle dame (!), avaient le seul tort d’avoir des noms qui ne convenaient pas.
Avoir un nom de consonance arabe, une nationalité "suspecte", avoir déclaré à l’embarquement de ne pas manger de viande de porc… vous voilà prêt à être qualifié de "terroriste" !




Avec Navigo… comme si vous y étiez déjà

Déjà fonctionnelle dans le métro parisien et dans plusieurs autres villes, étendue bientôt aux bus, la puce à radiofréquence de la carte d’abonnement Navigo, liée à un ordinateur central enregistre et identifie le voyageur, son lieu et heure de passage. C’est l’extension de ce système à tous qui est étudiée par le pouvoir. La version moderne du fameux ordinateur central, le "Big Brother" d’Orwell saura qui fait quoi, qui marche avec qui et qui va où.




Roissy et immigration : équation brutale !

Le 16 décembre, le Comité européen pour la Prévention de la Torture (CPT) a rendu son bilan concernant le traitement réservé aux étrangers en situation irrégulière maintenus sur le site de Roissy. La visite effectuée du 17 au 21 juin 2002 dénonce entre autres les conditions d’enfermement rencontrées dans les locaux de la police aux frontières (PAF) : "53 personnes ont passé plusieurs heures répartis entre 2 cellules de 4m2"… Plus graves encore sont les brutalités infligées par des membres des forces de polices lors de contrôle de passeport et autres tentatives d’embarquement… 23 constats de lésions traumatiques ont été recensées par le service médical pour la seule période allant du 1er mai au 17 juin. Gifles, coups de pied, de poing, de matraque, menottes trop serrées, menaces, insultes… des pratiques courantes à Roissy. Le CPT préconise également d’interdire les techniques obstruant directement ou non les voies respiratoires, compression du thorax, entraves des membres à l’aide d’adhésifs… qui sont depuis, à l’origine de la mort de 2 hommes en décembre 2002 et janvier 2003, mais le rapport n’en fait pas état.
S’il est accablant, cet exposé ne fait que révéler en partie ce que de nombreux militants sans papier dénoncent depuis longtemps : l’inhumaine et meurtrière matérialisation de la politique gouvernementale en matière d’immigration.




> Sur le vif

La Marche pour l’égalité saluée aux Minguettes !
Le 15 octobre 83 la Marche pour l’égalité et contre le racisme partait de Marseille à l’initiative de jeunes des Minguettes. 30 personnes au départ et 20 cars de CRS. Le 3 décembre 2003, le 20e anniversaire de l’arrivée de la Marche a été salué aux Minguettes avec la projection de "Douce France" suivit d’un débat très animé. Il faut dire qu’à l’origine c’est une association créée par le PS qui voulait fêter cet événement. Ils ont renoncé sous la pression. Cela aurait été vraiment trop gros, encore et encore cette hypocrite récupération, alors qu’a l’époque tous ces marcheurs n’étaient qu’une bande de délinquants pour eux !
2 marcheurs, parmi les jeunes des Minguettes, étaient apparemment présents. Beaucoup d’émotion lorsque Farid Lhazar, décédé depuis d’un accident, intervient dans le film. C’est son frère Kamel qui est projectionniste. Le débat a permis à pas mal de personnes de dire franchement et de façon forte ce qu’elles avaient sur le cœur. Depuis 20 ans, la situation a plutôt empiré dans tous les domaines en ce qui concerne les jeunes et les familles issues de l’immigration. En tout cas c’est l’impression qui domine aux Minguettes. Et malgré le sentiment que la solidarité est moindre qu’en 1983 les intervenants sont persuadés que désormais tous sont capables de s’organiser de façon autonome, soulignant l’importance de le faire effectivement pour lutter dans le même esprit que la Marche.




> Chronique de l’arbitraire

Et encore un ! Le délit de mégaphone :
Une militante syndicale Marie-Ange D., accusée d’"agression sonore" a été condamnée, le 4 décembre, par le tribunal de Montbéliard à 50 heures de travail d’intérêt général, mais elle a annoncé qu’elle refusera de purger sa peine, ainsi elle encourt jusqu’à 3 ans de prison. Le mégaphone tenu par Marie-Ange D. a amplifié des slogans ultra subversifs tels que : "Libérez José Bové", "Non aux OGM"… trop près des visages des policiers qui auraient eu des "troubles acoustiques, d’acouphènes et de maux de tête. Qu’est ce qu’on peut encore inventer ?

Comment est mort Sofian ?
Ça se passe dans la prison "4 étoiles" de Pontet (Vaucluse). Inaugurée il y a 8 mois, déjà deux suicides, puis c’est Sofian, 18 ans, qui est retrouvé pendu le jour de Noël dans sa cellule. Son corps comportait "des hématomes, des ouvertures au niveau du front et du nez, des bleus sur sa poitrine et sur son visage… Nous ne sommes pas du tout convaincus que c’est un suicide" - dit la famille. Prison "lumineuse et presque agréable", construite pour "amener le détenu à accepter sa condition sans révolte"… disent ses concepteurs. Blindage aseptisé, électronique sécuritaire, biométrie, atriums lumineux et douches dans chaque cellule.
122 suicides en 2002, la prison ne réhabilite pas, elle écrase et tue. Les 300 jeunes qui ont manifesté pour Sofian à Avignon avaient raison d’exiger la vérité.

Mouvement étudiant : négociations refusées - medias muselés
Novembre 2003, des étudiants de Lille 3 vont au rectorat demander des logements pour des étudiants sans abris (un étudiant est mort de froid 2 ans auparavant). Trouvant les forces de l’ordre en guise de comité d’accueil, ils se réfugient dans le Crous. Les forces de police entrent aussi et en guise de négociations, chargent violemment les étudiants vers l’extérieur avec force, coups de pied dans le ventre, l’un d’entre eux étant traîné au sol tiré par les cheveux.
Dans la même période, Luc Ferry débarque sous les feux des médias dans la faculté de Valenciennes où est testée sa réforme. On le voit sur les chaînes publiques inviter deux étudiants à entrer, les étudiants étant étonnamment absents. Et pour cause, ces derniers sont restés bloqués derrière les cordons de CRS les empêchant d’entrer dans leur propre faculté ! Mais cela, les médias ne l’ont pas montré.

Harcèlements policiers et judiciaires
Hafiz vit à Oullins (banlieue de Lyon) depuis 3 ans. Sa demande d’asile, pourtant motivée, a été rejetée comme celle de presque l’ensemble des Algériens qui en font la demande. La mairie lui refuse également le droit de se marier, il manquerait un papier du procureur ! Le 23 août, lors d’une vaste opération coup de poing du GIR dans le quartier, des policiers le contrôlent et le fouillent. En l’embarquant ils "oublient" de lui rendre son paquet de cigarettes neuf, un portable et une somme de 140 euros. Plus tard les policiers lui montreront le paquet, 3 barrettes de cannabis s’y sont glissées… En fin de garde-à-vue, refusant la proposition faite de devenir "indic" on lui répond par un coup de poing violent à la figure et une convocation pour le 10 décembre au palais de justice de Lyon. Alors qu’il n’a jamais été condamné, le procureur requiert une peine incroyable de 6 mois de prison ferme et l’expulsion du territoire. Ce sera finalement 6 mois de sursis et la confiscation des 140 euros. Que de violence, de harcèlements, de falsifications…

Les policiers qui mentent,
multiplient les faux témoignages devant un juge d’instruction pour faire condamner pour "rébellion en réunion et avec arme" des militants qu’ils viennent de tabasser - mai 1997, place d’Iéna, des membres du Droit au logement (DAL) manifestaient devant un immeuble du Crédit Lyonnais inoccupé depuis cinq ans. Cela n’est pas rien. Encore faut-il le prouver. En l’occurrence, deux chaînes de télé, un vidéaste amateur, des photographes et des passants choqués qui se sont mués en témoins étaient là. C’est le poids à peser pour enrayer la parole de policiers ! Et encore il aura fallu 6 ans et demi pour que l’affaire débouche a une condamnation des CRS. "A une audience de comparution immédiate, ça aurait pu conduire à de la prison ferme. Je pense à ceux qui n’ont pas eu notre chance" rappelle un des manifestants accusé à tort…




> Agir

Éducateurs de rue, pas informateurs de police !
En Savoie, l’ADSEA qui gère les services de prévention spécialisée a signé une convention régissant les relations des éducateurs de rue avec les services de police et de gendarmerie.
Travaillant sans mandat judiciaire ces éducateurs vont à la rencontre des jeunes en difficulté dans la rue et respectent les règles de confidentialité sans juger, ni légitimer leurs comportements ils sont garants d’un espace de dialogue et de confiance pour pouvoir les aider. Comment imaginer un jeune se confier à un éducateur sachant que celui-ci doit se référer à la police ? La Prévention Spécialisée n’a de sens que dans le cadre de la Protection de l’Enfance. Elle ne peut être sacrifiée sur l’autel du tout sécuritaire sous peine d’extinction. La surenchère sécuritaire continue avec la loi sur la prévention de la délinquance qui va dans le sens d’une grave remise en cause des principes de travail des éducateurs de rue.
Le collectif "Prévention Spécialisé Iles de France" appelle à une manifestation à Chambéry et une nouvelle grève des éducateurs de rue est prévue le vendredi 16 janvier. Pour soutenir leur mobilisation signez et faites signer la pétition : http://www.prevention-specialisee.fr.st/spip

C’est le tour d’une maman Rom de Montreuil…
…qui fait la manche avec ses enfants, âgés de 15 mois et 6 ans et demi. Interpellation, garde à vue, ses enfants lui sont arrachés et confiés à l’AP. Ils ne lui seront rendus que deux jours plus tard. Elle passera le 12 janvier à 14 h à la 15ème chambre du TGI de Paris, M° Cité, pour "mendicité aggravée" - ses enfants étaient avec elle !
L’audience risquant d’être reportée, téléphoner au 06 84 91 82 46 avant d’y aller.