8 mai 2006


Arrestation anti-jeunes dans la Marais

Répression par intimidation


En arrivant au niveau du métro Arts-et-Métiers vers 20h50, nous remarquons
30 personnes qui attendent sur le trottoir. En effet, un rassemblement
contre la Loi sur l’égalité des chances était prévu à 20h30 à
Arts-et-Métiers ce soir-là. En quelques minutes, le groupe se disperse et
nous rentrons chez nous (rue Montmartre, rue Greneta et boulevard
Sébastopol, donc tout près). Mais arrivés à la hauteur de l’église
Saint-Nicolas-des-Champs, nous voilà tous les trois bloqués par cinq CRS.
Pourtant, un groupe d’adultes venait de passer sans aucun problème...
Contrôle d’identité, puis fouille, attente d’une demi-heure dehors, puis on
nous fait monter dans un véhicule prévu pour détenir 11 personnes. A
l’intérieur, une des parois présente deux importantes traces de sang.
Attente une nouvelle fois d’une demi-heure, le temps de remplir le
fourgon d’une douzaine de personnes, tous jeunes bien sûr. Seule une femme
d’une quarantaine d’années, a réussi à sortir.

Force est de constater que, aujourd’hui encore, avoir les cheveux longs et
être jeune constituent toujours un motif de suspicion.
Nous avons donc été emmenés dans le parking en sous-sol du commissariat du
11e. Là, des barrières séparaient les "majeurs avec papiers" des "majeurs
sans papiers" et des "mineurs". L’endroit était sale. Devant nous, les
policiers se sont interrogés sur le motif qu’ils
allaient devoir donner pour justifier notre interpellation...
Quand nous leur demandions pourquoi nous étions là, ils nous déclaraient
qu’ils vérifiaient simplement que nous n’étions pas recherchés par la
police, ou que nous n’étions pas des fugueurs, mais évitaient de répondre
clairement.

Il est évident que nous étions là à cause des manifestations anti-CPE.
Le fait est que le rassemblement prévu ce soir-là n’a pas eu lieu et par
conséquent, le motif de notre arrestation, qui fut "rassemblement
illégal et délit de suspicion", n’a aucun fondement. De plus, nous nous sommes faits interpellés alors que nous n’étions que trois jeunes marchant dans la rue,
ce qui en aucun cas ne pouvait ressembler à une manifestation. C’est
précisément ce qui nous amène à dénoncer la façon totalement arbitraire
dont se sont déroulées nos interpellations.

En ce qui concerne l’une d’entre nous, elle a 18 ans dans un peu plus d’un
mois, et nous avons clairement entendu une femme policier dire : "Elle est
majeure dans seulement un mois... donc on la met où ?""T’as intérêt à
arrêter les manifs, sinon tu vas te prendre une grosse claque dans la
gueule", a dit un policier au plus jeune d’entre nous.

Il semble que notre arrestation fut moins sévère que celle du groupe qui
arriva après nous. Contrairement à nous, ils furent “menottés” avec des
attaches en plastique. L’un d’entre eux portait un plâtre au bras, et il
fut fissuré au niveau du poignet tellement les entraves avaient été serrées
fort. Un autre jeune de ce groupe avait le poignet entaillé. Les policiers
ont toujours refusé de le laisser aller aux toilettes pour laver sa plaie,
alors que les conditions d’hygiène étaient celles d’un parking commun, soit
inapproprié à la détention, surtout celle d’un mineur blessé.

Par la suite le jeune portant le plâtre s’est senti mal. Il s’est allongé
sur le sol en maintenant ses jambes à la verticale contre le mur. Les
policiers ne semblant pas intéressés par son état, lui ont ordonné de ne
pas
se mettre dans cette position. Celui-ci s’exécute et s’allonge sur le côté.
Il s’évanouit. Nous tentons alors de le réveiller mais celui-ci ne réagit
plus à nos appels. Finalement, un agent passe la grille et tire le jeune
inconscient par un bras pour l’éloigner du mur. Ils décident d’appeler les
pompiers. Ceux-ci interviendront assez rapidement.

Nos parents n’ont été avertis qu’aux alentours de minuit, alors que nous
avions été interpellés à 21h, soit trois heures plus tôt.

Nous avons bien conscience que ce genre de choses arrive fréquemment, mais
ça ne les rend pas plus légitimes.

Le fait que nous ayions été gardés, après la vérification de notre identité
et après avoir prouvé que nous habitions à quelques dizaines de mètres,
nous
interroge. Est-ce parce qu’il s’agit d’une arrestation totalement
arbitraire ? Il convient alors d’en questionner la légalité. Et, dans ce
cas,
les jeunes sont-ils en danger « d’enlèvement » dès qu’ils quittent leur
domicile ? Où est-ce parce que nous participons au mouvement contre la Loi
sur l’Egalité des Chances (LEC) ?Serions-nous éventuellement fichés, alors
même que nous n’avons jamais eu affaire à la police ?

A notre libération, un officier nous a lancé laconiquement qu’il s’agissait
du « couvre-feu de Sarkozy »...

Quoi qu’il en soit, il s’agit de tentatives d’intimidation. Nous pensons
qu’il est indispensable de le signaler. L’intimidation est une forme de
répression. Inutile de préciser qu’en agissant ainsi, ils cherchent à
écraser des individus qui seraient susceptibles de poser des problèmes à
l’ordre établi. Et évidemment, manifester son mécontentement du
gouvernement
en place en est un.