24 février 2005


Sébastien Schifres fait appel de la décision du tribunal de Nanterre

lundi 13 juin 14 h


La date du procès en appel de Sébastien Schifres a été fixée

au lundi 13 juin à 14H00

(7e Chambre, Palais de justice de Versailles)

Incarcéré depuis trois semaines pour avoir participé le 2 novembre à une
manifestation antisécuritaire à l’université de Nanterre, Sébastien
Schifres, étudiant à la Sorbonne, a été condamné mardi 30 novembre à quatre
mois de prison ferme pour "violence en réunion et détérioration d’un
monument d’utilité publique". La 17e Chambre correctionnelle du tribunal de
Nanterre a cependant décidé de le remettre en liberté.

Le 2 novembre dernier, une cinquantaine d’étudiants s’étaient rassemblés à
l’université de Nanterre pour protester contre le cloisonnement des
bâtiments. Des manifestants armés de masses et de béliers avaient alors
tenté de redétruire le mur séparant depuis un an les bâtiments E et D (ce
mur avait déjà été détruit au mois de mars par les étudiants, avant d’être
reconstruit quelques jours plus tard à la demande du président de l’
université). Le mur ayant été reconstruit en béton armé, les étudiants ne
sont parvenus cette fois-ci qu’à y faire un trou d’un mètre de large. Cette
action a provoqué l’intervention d’une quinzaine de vigiles armés de
mousquetons et de bombes lacrymogènes qui ont alors procédé à un tabassage
en règle de toutes les personnes se trouvant sur les lieux : deux étudiants,
dont Sébastien Schifres, se sont fait ouvert le crâne et sont repartis la
tête en sang. D’autres sont restés aveuglés plusieurs jours après avoir reçu
du gel lacrymogène à bout portant.

Pour couvrir leurs exactions, les vigiles de Nanterre ont alors porté
plainte contre l’étudiant le plus en vue, Sébastien Schifres, bien connu
depuis une dizaine d’années pour son engagement libertaire et ses activités
politiques sur le campus. Avant de s’inscrire à la Sorbonne, Sébastien
Schifres a en effet été étudiant pendant huit ans (1996-2004) à la fac de
Nanterre. Après avoir quitté la CNT en décembre 1996, il a participé pendant
huit ans à quasiment toutes les manifestations, tous les mouvements de
grève, et toutes les occupations qui se sont déroulées dans l’université
(mouvements des chômeurs, des sans-papiers, et des étudiants non-inscrits
notamment). En juin 1998, il participe dans le cadre du mouvement des
chômeurs à l’occupation du Conseil constitutionnel : dans le bureau de
Roland Dumas, il trouve un exemplaire original de la Constitution de 1958,
le déchire et écrit sur la première page : « La dictature capitaliste est
abolie. Le prolétariat décrète l’anarchie et le communisme ». Pour cette
action iconoclaste, il sera condamné à huit mois de prison avec sursis. En
décembre 2001, il est condamné à 200 heures de Travail d’Intérêt Général
pour avoir fait des graffitis sur le parcours d’une manifestation de
policiers. Ce sont ces antécédents judiciaires qui ont été avancés par le
procureur pour justifier son incarcération le 9 novembre 2004.

Pendant trois semaines, de nombreux étudiants se sont mobilisés en France
pour la libération de Sébastien Schifres : à Nanterre, à Paris, à Nancy, à
Grenoble, à Nantes. Plusieurs manifestations ont eu lieu devant la prison de
Nanterre, où Sébastien Schifres était incarcéré à seulement 200 mètres du
campus : feux d’artifice le soir, banderole accrochée sur le toit de la
résidence universitaire et visible depuis la prison. Cette mobilisation a
permis de réunir dans une même lutte des étudiants et des enseignants, mais
aussi des chômeurs et des travailleurs extérieurs à la fac pour qui l’
université n’est pas qu’un lieu d’études mais avant tout un territoire à se
réapproprier en tant que foyer de subversion et pôle de lutte
interprofessionnel. Cette mobilisation a permis de faire reculer la présence
des vigiles sur l’université, ces derniers se montrant plus discrets depuis
un mois. Cette mobilisation a permis de rétablir la liberté de circulation
entre les bâtiments E et D : depuis deux semaines, la porte du mur a été
enlevée, laissant ainsi un passage ouvert à travers le mur. Enfin, et
surtout, cette mobilisation a permis la libération de Sébastien Schifres.

Outre les quatre mois de prison ferme, Sébastien Schifres été condamné le 30
novembre à 3000 euros de dommages intérêt (dont 2000 euros pour la
réparation du mur). Sébastien Schifres a de plus été condamné à 360 euros d’
amende pour avoir refusé de donner ses empreintes génétiques. Une prise d’
empreinte purement préventive qui n’avait en l’occurrence absolument aucun
rapport avec l’affaire en cours. En se portant partie civile contre l’un de
ses étudiants, la présidence de l’université de Nanterre a montré son vrai
visage : entre les étudiants et la police, les autorités universitaires ont
choisi une fois de plus le camp de la répression, n’hésitant pas à envoyer
en prison l’un de leurs propres étudiants. La marchandisation de l’
université passe par l’incarcération des étudiants indisciplinés. Le
président de l’université, Olivier Audéoud le dit lui-même, il veut faire de
la fac « un campus à l’américaine » : l’université du XXIe siècle est ainsi
appelée à se transformer en un ensemble de petites entreprises commerciales
assurant chacune leur propre financement et se faisant concurrence sur le
marché du savoir. Ce démantèlement de l’université est l’une des raisons
inavouées du cloisonnement des bâtiments, chaque UFR devant à terme se
séparer des autres dans le grand jeu de la libre entreprise.

Le cloisonnement de l’université de Nanterre s’intègre aussi dans un
dispositif sécuritaire allant de pair avec la marchandisation de l’
université : avec un poste de vigiles et une caméra à l’entrée de chaque
bâtiment, il s’agit pour les autorités de pouvoir ainsi contrôler les allers
et venues des étudiants et d’empêcher les rassemblements et les
manifestations. Aujourd’hui, la lutte continue sur Nanterre, pour le
démantèlement total du dispositif sécuritaire : dissolution des groupes de
vigiles, suppression des caméras, décloisonnement des bâtiments,
rétablissement de la franchise universitaire qui interdisait à la police de
pénétrer sur le campus. Sébastien Schifres a fait appel de la décision du
tribunal de Nanterre. Il sera don rejugé prochainement par la Cour d’appel
de Versailles. La lutte continue donc aussi pour l’arrêt des poursuites
judiciaires et disciplinaires contre tous les étudiants. Mais la lutte
continue aussi et surtout pour que l’université ne soit plus seulement un
« lieu d’études », mais d’abord et avant tout un lieu occupé par les
travailleurs et les chômeurs en lutte, un lieu débarrassé du pouvoir de l’
Etat et des autorités universitaires, un lieu de subversion autogéré au
service de la lutte de classe contre l’Etat et le capitalisme.

Trashfac, le 11 décembre 2004

http://trashfac.freeservers.com

trashfac@indian-magic.net

Plus d’informations à propos de la lutte sur Nanterre sur
http://enrages-nanterre.freeservers.com